LE MYSTERE SALTILLO

Publié le par vingt passes, pas plus...

TORO BRAVO, CASTES ET ENCASTES

 

Par Jacques TEISSIER

 

"Le mystère Saltillo" est le dernier des 14 articles tirés de la conférence de  Jacques Teissier "TORO BRAVO, CASTES ET ENCASTES". Nous avions commencé la publication de cette passionnante conférence en novembre 2009 par un Avant Propos de l'auteur qui plantait le décor du vaste champ exploré, Avant Propos que nous reproduisons au moment de conclure.


"Guardiola, Miura, Pablo-Romero, Juan Pedro Domecq, Contreras, Buendía, Victorino, Santa Coloma, Veragua, Murube, Saltillo etc. Voici une douzaine d’années, je me suis mis en tête d’essayer de comprendre quelque chose dans les diverses lignées de toros bravos, dont je ne savais quasiment rien, sinon leur existence et encore... Je ne me doutais pas du défi que je venais de relever. C’est inextricable. Avec trop peu de temps il est vrai, je n’ai encore mis au clair que 200 élevages, sur les 2.000 et quelques qu’il me faudrait faire. Si je vis jusqu’à 150 ans et ne suis pas trop occupé par ma retraite, j’en verrai peut-être le bout ! ".

 

A ce train là, il manquera sans doute un peu de temps à Jacques TEISSIER pour mettre au clair les 2000 élevages en question, mais il y travaille, avec une grande passion qu'il vous propose de partager sur son site :
 

 

http://toro-genese.com/torogenese/html/index.html

 

 

Merci à Jacques TEISSIER de nous avoir permis de publier cette intéressante étude.


 

(VII) Encastes : le mystère Saltillo



 
DSCN0442Si vous le voulez, nous pourrons parler un jour plus en détail de la création et de l’évolution des diverses branches issues des castes fondamentales et de leurs croisements : les encastes. Pour ne pas se perdre dans le maquis, il faut visualiser des « arbres généalogiques » et les commenter. Mais je voudrais vous faire voir l’intérêt et la complexité de la chose à travers un exemple.


 ° La caste vistahermosa, née en 1770, se partage en 5 branches en 1821. En 1827, Ignacio Martín cède son troupeau à Pedro José Picavea de Lesaca. Or voici qu’en moins de 5 ans, celui-ci parvient à imprimer à ses toros, soudain tous noirs ou gris (cárdeno), un type et une personnalité si particuliers qu’on en vient à les appeler les lesaqueños : particularités qui perdureront sans croisement dans l’encaste saltillo et s'y conserveront jusqu'à nos jours ; Victorino en est l’exemple le plus célèbre. Telle est la thèse officielle.


Il en existe une autre, fort séduisante, avancée par Domingo Delgado de la Cámara : ces toros auraient une origine différente. Il souligne qu’il existe entre toutes les lignées vistahermosa et le saltillo de telles différences de comportement et de type qu'il est bien difficile de vouloir les faire naître d'un tronc commun. Quoi de commun entre un Atanasio ou un Juan Pedro, et un Victorino ?... Qu'a-t-il bien pu se passer ?


Saltillo-MorenoLe contexte permet d'avancer une hypothèse vraisemblable, d'ailleurs très cohérente avec les secrets du mundillo. Fin XVIIIe-début XIXe, 6 castes fondatrices sont historiquement traçables : jijón, cabrera, gallardo, vistahermosa, vázquez et navarra. Mais il existe encore, de-ci delà, des troupeaux non identifiés ou non répertoriés comme braves. Certains le sont pourtant, mais le prestige est attaché au nom : pour présenter ses toros dans les événements importants, un nouveau ganadero doit pouvoir attester d'une prestigieuse provenance.
Domingo Delgado de la Cámara pense que, faute de pedigree suffisant pour pouvoir lidier dans des plazas importantes, le propriétaire des toritos gris à la bravoure inlassable aurait acheté des bêtes d'origine vistahermosa pour faire figurer cette provenance sur les affiches. Mystification !


Indice. Les Picavea, riche famille navarraise de Lesaca, ont pour blason un écusson au toro blanc : ils devaient bien posséder quelque bétail, possiblement de robe claire, et possiblement brave... 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

saltillo-col--Bordador1880.jpgAutre indice. En 1838, Isabel Montemayor, épouse et héritière de Picavea, cède à Manuel Suárez Cordero du bétail qui aboutira dans le noir murube, l'encaste vistahermosa source de quasiment toutes les lignées modernes, par Ibarra et Parladé, bien typées vistahermosa. En 1850/1854, le fils aîné et héritier d'Isabel, José Picavea de Lesaca, cèdera au célèbre Marquis de Saltillo le reste du troupeau, ce qui donnera le fameux encaste saltillo, si différent de comportement et de type. Il serait fort logique que la cession de 1838 porte essentiellement sur le vistahermosa, et celle de 1850/1854 essentiellement sur le lesaca.
Nouvel indice. Sentant la maladie le gagner, Pedro José Picavea a recommandé à son épouse Isabel Montemayor de ne pas faire de croisement, conseil qu'elle s'attachera à suivre et qu'elle transmettra à son fils et successeur José, lequel s'empressera de le suivre avec soin. Ce conseil impératif, à une époque où l'on ne se préoccupe guère de la cohérence des lignées dans les élevages, se comprend mieux si on veut conserver à tout prix une souche originale, unique... et occulte !

 

Saltillo nimes28mai1905cPour mener à bien une telle mystification, il fallait un fameux culot, du savoir-faire... et beaucoup de terres pour la discrétion ! Notre Picavea, qui n'a pas froid aux yeux et qui est richissime, remplit toutes ces conditions.
Je pense que dans le récent N° de Terres Taurines et dans les 2 suivants, André Viard va nous en dire davantage. Affaire à suivre…

 

 


 

* Prêtre, aumonier des arènes de Nîmes, aficionado practico, Jacques TEISSIER  a réalisé depuis plus de 10 ans un considérable travail de recherche dédié aux élevages et aux encastes de toros bravos, travail que les aficionados, les journalistes taurins, les professionnels de l'arène, les éleveurs, ainsi que les scientifiques peuvent découvrir sur son remarquable site: TORO–GENESE.

 

 

 


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