LE TORO BRAVO ET L'AUROCHS ESPAGNOL

Publié le par Jacques TEISSIER.

 

TORO BRAVO, CASTES ET ENCASTES (III)


LE TORO BRAVO ET L'AUROCHS ESPAGNOL
 

D’où viennent les toros sauvages de la péninsule ibérique, qui ont donné naissance à notre toro bravo ? quel est leur rapport avec l’aurochs local ? La réponse n’est pas évidente car il faut compter aussi avec d’autres sources de bovins.

 

 

Il est reconnu que, dans leurs migrations, les diverses peuplades faisaient suivre leurs 'bos', évidemment domestiqués (donc des bos taurus et non des bos primigenius primigenius), même si, peut-être, ils étaient peu dociles. Le bos taurus semble s’être répandu en Europe par 2 grandes voies. Ce sont les céramiques qui font apparaître les deux voies le long desquelles se sont répandues les cultures néolithiques : la voie danubienne (caractérisée par la céramique appelée Linearbandkeramik « LBK ») et la voie méditerranéenne (caractérisée par la céramique appelée cardiale). On ne sait toujours pas avec certitude si ce sont seulement les cultures qui ont migré, par diffusion progressive, ou si les hommes néolithiques ont eux aussi migré ; cette seconde hypothèse semble quand même la plus vraisemblable. Mais quelle que soit l’hypothèse, diffusion culturelle ou déplacements de populations, les bos sont probablement arrivés en Europe de façon privilégiée par ces deux voies. Le long de la vallée du Danube, les déplacements se sont évidemment faits à pieds; le long du littoral méditerranéen, il semble que les déplacements se sont faits par sauts de puce en bateau. Ces bos taurus sont-ils arrivés jusqu’en Espagne ? C’est des plus probables. Quand y sont-ils arrivés ? Voilà qui reste à ce jour bien difficile à préciser, mais les origines doivent être très anciennes. Étant entendu que le toro bravo ou de lidia est un bos : descend-il directement de l'aurochs de la péninsule ibérique (un bos primigenius primigenius) ? est-il un bos taurus ? ou bien est-il un croisement des deux ?

 

La thèse classiquement soutenue dans les milieux taurins est que le toro bravo descendrait directement de l'aurochs de la péninsule ibérique ; c’est ce qui expliquerait son originalité par rapport à tous les autres bovins d’Europe. Dans la péninsule ibérique, l'aurochs serait devenu, par adaptation au milieu, plus petit et plus robuste ; il aurait subi une certaine différenciation selon les habitats - ce qui est fort possible car il est bien connu qu'une espèce sauvage est en équilibre avec son biotope, et notamment avec les ressources alimentaires qu’il lui offre -. Par exemple, toutes les études indiquent qu'entre les aurochs danois (de grande taille) et ceux du pourtour méditerranéen, il y avait de fortes différences de format. On cite un cas de nanisme insulaire en Italie (Sicile). Dans le midi de la France et en Suisse, on a trouvé de tout petits bœufs d’un néolithique récent : les âges du Bronze (entre -2.000 et -1.100 en France) et du Fer (il débute vers -1.100 dans le monde méditerranéen). Bref, les sauts de taille des bos sont si évidents qu’ils intriguent les chercheurs ! Notons au passage que la riche alimentation des toros de combat actuels en protéines a eu pour effet, en moins d'un demi-siècle, de grandir considérablement leur type physique… comme pour les humains ! Même si la sélection de reproducteurs plus charpentés y a contribué aussi, le fait est significatif.


 

 

Eh bien la génétique dit tout autre chose que la thèse classiquement soutenue dans les milieux taurins selon laquelle le toro bravo descendrait directement de l'aurochs ibérique. Si curieux que cela puise paraître, la supposée "adaptation au milieu" de l'aurochs pour donner le toro bravo cache en réalité la disparition pure et simple de l’aurochs, et sa substitution par diverses lignées de bos taurus, tous issus des foyers de domestication néolithiques du Proche-Orient, sans aucune trace visible de domestication locale de l’aurochs espagnol. Logiquement, on aurait pu penser au moins à un croisement, volontaire ou accidentel aurochs X bos taurus ; mais même s’il y en a eu, ce qui est fort vraisemblable, aucune trace génétique n’a encore été trouvée : soit les descendants ont été tués tout de suite, soit les lignées ainsi produites se sont éteintes… Lorsqu’on disposera du génome entier des toros de combat et des aurochs, peut-être trouvera-t-on quelque chose ? Pour l’instant, au risque de décevoir notre romantisme, nous devons reconnaître que notre toro bravo n’a probablement pas d’autre origine que le bos taurus : un animal domestiqué !

prochain article : AUX SOURCES DU TORO BRAVO 

 

* Prêtre, aumonier des arènes de Nîmes, aficionado practico, Jacques TEISSIER  a réalisé depuis plus de 10 ans un considérable travail de recherche dédié aux élevages et aux encastes de toros bravos, travail que les aficionados, les journalistes taurins, les professionnels de l'arène, les éleveurs, ainsi que les scientifiques peuvent découvrir sur son remarquable site: TORO–GENESE.


http://toro-genese.com/torogenese/html/index.html

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