CONSEILS DE LECTURE A UNE AFICIONADA

Publié le par vingt passes, pas plus...


CONSEILS DE LECTURE DE JEAN-YVES BAUCHU



Chère et délicieuse aficionada,


Vous me demandez des conseils de lectures pour prolonger les émotions que vous avez connu lors de vos premières corridas. Sans hésiter, je vous recommande deux auteurs contemporains : Alain Montcouquiol et Christian Dedet.

Les deux livres d'Alain Montcouquiol seront à lire en dernier. « Le sens de la marche », son deuxième ouvrage, vous parlera de la mort, comme seul Alain Montcouquiol peut en parler. Par cette lecture, vous essayerez, également, d'approcher ce mystère : « Pourquoi toréer ? ». Vraiment, suivez mon conseil : reporter cette lecture à plus tard lorsque votre sensibilité se sera épanouie et votre connaissance de la tauromachie grandie.

Avec Christian Dedet, vous avez le choix du roman, du récit et de l'essai. Je vous recommande la lecture des trois, dans cet ordre. Plusieurs éditions de ces ouvrages existent et il vous sera aisé de vous les procurer.

« Le plus grand des taureaux », le roman, est publié le 22 février 1960.

Christian Dedet, né le 12 septembre 1936, à Cournonterral, dans l'Hérault, est alors étudiant en 5ème année de la faculté de médecine de Montpellier. La tauromachie lui est familière depuis les premières corridas vues, en culottes courtes, du haut des amphithéâtres des Arènes de Nîmes. Etudiant, il fréquente les élevages camarguais, parcourt les capéas et les novilladas villageoises, voyage en Espagne où il aime se rendre aux corridas des grandes plazas de toros, accompagné d'une femme. « Les joies et les indignations de l'arène n'atteignent leur plénitude que dûment partagées avec une émouvante créature. »


Ce sujet du « Le plus grand des taureaux », tiré d'une réplique d'un personnage du roman d'Ernest Hemingway« Pour qui sonne le glas » l'imprègne tellement qu'il le rédige en un mois et demi de l'été 1959. Avec ce livre, vous pénétrerez dans le cœur de la corrida : la noblesse et son opposé la magouille, le respect de la bête, ou l'arrangement des cornes et les piques assassines. Vous découvrirez les sentiments des toreros et surtout la « Peur », la peur sous toutes ses formes, la peur exacerbée, la peur qui vous vide l'estomac et les intestins, qui vous panique et vous paralyse. La peur de la mort.

Extrait.

« - Du calme, pequeñito. Pense à une seule chose à la fois.

- Je pense que cette saloperie d'animal aimerait bien de me mettre en pièces avec ses cornes ! C'est à ça qu'il réfléchit, depuis un moment. C'est pour ça qu'il me regarde. Pour ça qu'il n'arrêtera jamais de me regarder...

- Pense à une seule chose à la fois.

-Je pense que j'ai peur de mourir...

-Et qu'importe la peur de mourir, Ramon. Tout le monde a peur de mourir...

- J'ai peur de faire une mauvaise mort.

- Il n'y a pas de mauvaise mort, Ramon. Toutes les morts sont bonnes qui te tombent dessus comme la corne : en plein soleil, en pleine vie. »


Pour Christian Dedet, lorsque tout devient difficile, il n'y a qu'un seul remède : la fuite. Et plus précisément : « La fuite en Espagne ».

 

« La fuite en Espagne » publié en 1965, est à ranger dans le genre littéraire du Récit. Je vous recommande particulièrement le deuxième chapitre. Il s'agit, à mon avis, de la meilleure dissertation écrite sur le sujet : Qu'est-ce que la corrida ? Christian Dedet y est très brillant ; les références littéraires, mythologiques, artistiques et philosophiques vous éblouiront. Vous y forgerez votre érudition et votre sensibilité.

Je ne peux résister au plaisir de vous en livrer cet extrait qui nous concerne, nous qui nous disons aficionados : « Il existe plusieurs corridas : celle qu'on attend, celle qu'on voit, celle que les autres ont vue. Et l'on désignera toujours du nom d'aficionados un certain nombre d'agités, d'illuminés sympathiques ou dangereux, voire même d'érudits irréconciliables que le mot toro suffit à mettre en transes ».


« Passion tauromachique » est le troisième livre de notre écrivain. Dans cet Essai, édité en 1986, Christian Dedet laisse sa plume parcourir au cours des pages des domaines divers. « Picasso, minotaures et taureaux » est un chapitre. Christian Dedet s'y essaie aux commentaires sur le maitre Picasso et sa vision de la tauromachie.

Je cite : « Vieux sorcier au crâne bistre - je le revois, tapi à la barrera des arènes d'Arles - il avait entendu le long chuchotis du mythe et n'ignorait pas qu'en des temps plus récents, sinon plus obscurs, le diable n'ait été identifié à une apparition toute noire, avec des cornes sur la tête, des yeux féroces, un immense phallus. »

Plus loin, l'auteur revient longuement sur la mort du torero José Mata, survenue le dimanche 25 juillet 1971, dans les arènes de Villanueva de Los Infantes, village de 8200 âmes à l'époque et 233 kilomètres de Madrid. Corrida de pueblo, dit-on, et infirmerie de pueblo, ce qui veut dire à l'époque rien. Une mort absurde qui commençait à alerter les organisateurs de spectacles taurins sur la nécessité de la présence de soins d'urgences au sein des arènes; Thème vous l'imaginez bien, auquel je ne peux pas rester insensible.


A travers ces trois livres, Christian Dedet, témoin militant de la tauromachie, devrait participer à votre éducation. « Mais quelle éducation de la sensibilité, ce qui se passait dans l'arène et autour d'elle. »


Sa carrière d'écrivain ne se limite pas à ces trois ouvrages. Sa bibliographie comporte plus d'une quinzaine de publications. Son plus grand succès obtint le Prix des Librairies en 1985 « La mémoire du fleuve », la vie d'un métis aventurier et chasseur au Gabon. Mes livres préférés sont « Le secret du Docteur Bougrat », un médecin garde dans son cabinet le cadavre d'un de ses patients !, et « Les fleurs d 'acier du Mikado », l'histoire de la création de la marine japonaise en 1855 par un ingénieur français.


Ai-je répondu à votre demande ? Bonnes lectures.


Publié dans Lectures

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