LAS FUNDAS

Publié le par Guy PAILHES


Quel bonheur pour l'aficionado de visiter le campo, assis sur la remorque du tracteur !...  Cette masse noire qui rumine, ce roux qui te nargue puis s'éloigne lentement, cet autre gris qui hésite à charger, ravivent la peur latente au fond de toi...  J'ai chaque fois l'impression de déranger, presque de violer ce domaine des seigneurs. En 2008, j'ai visité Escolar Gil, Baltasar Iban et Victorio del Rio . Et stupéfaction, tous les toros portaient des  « fundas »  !  Le premier élevage à utiliser ces "choses" fut semble t-il Fuente Ymbro et depuis, son usage s'est répandu. Alors ? las fundas, qu'es aquo ? La traduction de l'espagnol " funda" est "étui " Et effectivement, la funda est une sorte d'étui que l'on fixe à l'extrémité de la corne .Le toro est affublé de deux fundas, une à chaque corne donc.


Fundas chez MONTALVO

Photo C.CREPIN




 


Techniquement l'étui se compose d'une armature en fer recouverte de bande de fibre de verre. L'armature de fer est en fait constituée d'un boulon (de 20 ou 22 pour bricoleurs !) sur lequel on a soudé 3 ailettes de fer tendre. La fibre de verre est celle employée pour réaliser toutes sortes formes sur moule. La pose a lieu entre deux et trois ans, lorsque la corne du toro a pris sa forme définitive et qu'elle se développe dès lors assez lentement en longueur et épaisseur. Le toro immobilisé, (Cage de soins ou endormissement) le boulon est introduit à l'extrémité de la corne, les ailettes rabattues le long de celle-ci ; ensuite on déroule la bande de fibre de verre à la façon d'un pansement, en respectant le "trou" du boulon et en débordant sur la corne au-delà des ailettes. La colle spéciale solidifie rapidement cet "étui".

Pose de la funda "boulon"

Photo "Terres Taurines"





 Une deuxième méthode employée remplace le "boulon" par une sorte de bouchon de champagne (comme les emboulés camarguais) coiffant la pointe de la corne et recouvert ensuite comme dans le méthode ci-dessus de fibre de verre. Dans cette méthode la corne est totalement encapuchonnée alors que dans la première l'extrémité reste au contact de l'air ; d'après le mayoral de Baltasar Iban la méthode bouchon de champagne risque de provoquer des " pourrissements " à l'intérieur de l'étui.

 

 


   

Fundas "bouchon de champagne". A l'arrière plan: El Fundi  chez Escolar GIL

Photo Jacques SEVENIER 


 

Les avantages de ce procédé innovant sont évidents. Chacun sait que les toros se battent voire s'entretuent au campo. Ces protections éliminent le risque de cornadas et donc la perte d'animaux. L'éleveur a un grand intérêt économique à conserver toute sa production. En outre, certains toros sont le fruit de croisements ou d'introduction de nouveaux étalons et leur perte au campo retarde le résultat tauromachique de ces efforts de sélection. Notons cependant que même avec ces étuis, les toros se battent et cela peut provoquer la perte d'un œil ou des blessures internes (éclatement de la rate, intestins) dans le cadre d'un "cornada sin sangre". Je signalerai par ailleurs les propos de Jose lui Marca, ganadero et beau-père de Paco OJeda disant " c'est mon orgueil de voir mes toros s'entretuer et ils n'auront jamais ces horribles choses au bout des cornes..." Tous les ganaderos ne sont pas riches et orgueilleux ! 
 

Il y a hélas aussi des inconvéniants. Pour le toro, il faudrait pouvoir le lui demander ! mais outre le stress évoqué ci-dessus, la modification de la longueur des cornes peut avoir un effet semblable à l'afeitado notamment dans la méthode "bouchon" où la longueur est augmentée de 5 à 8 cm . Pour l'aficionado, la pose et la dépose de ces étuis impliquent deux manipulations supplémentaires du toro. Selon les mayorales, la dépose s'effectue dix à quinze jours avant l'embarquement pour l'arène. Nouveau stress pour l'animal immobilisé pendant que l'on découpe à la pince l'étui de fibre de verre. Dois-je écrire que l'on peut profiter de l'occasion pour "vérifier"  l'aigu des cornes ?... Par ailleurs l'impossibilité de pouvoir éliminer un adversaire au campo peut influer sur son comportement dans l'arène (perte d'agressivité). A cet égard, Frédéric Pascal pense que cela peut avoir une influence sur la franchise de la charge. Dossier à suivre.

 



Publié dans Le toro

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