Les blessures dans la corrida

Publié le par jean-Yves BAUCHU - Chirurgien, médecin des arènes de Nîmes


Les blessures dans la corrida: une conférence du Dr Jean LAURET en 1943

J'ai sous les yeux la copie d'un texte tapuscrit de 23 pages d'une conférence faite par le Docteur Jean Lauret au Cercle d'Etudes Taurines le 5 décembre 1943 à Nîmes et intitulé « Les blessures dans la corrida ». Une belle occasion de vous en livrer une analyse, quelques extraits, et d'en signaler les curiosités

Quelques détails sur Jean Lauret. « Lorsque j'étais Interne des Hôpitaux, la ville de Nîmes ne possédait pas le luxueux et confortable Centre médical qu'elle a aujourd'hui ; mais le vieil hôpital Ruffi avait un avantage, c'est qu'il était près des Arènes, et les dimanches d'été, l'interne de garde était presque sûr de voir rompre la monotonie de son après-midi par la venue d'un razeteur ou d'un toréador victime d'un toro. C'est ainsi que j'ai vu en tant que médecin les premières cornades. Certes mon expérience n'est pas bien grande, mais pendant la guerre servant dans une ambulance chirurgicale, j'ai vu des blessures qui par de nombreux cotés se rapprochaient de celles par la corne. Je me crois donc autorisé à vous dire quelques mots sur le traitement des cogidas ». Jean Lauret cherchant à se documenter sur ces blessures si particulières, rencontra le nîmois André Castel renommé pour sa grande compétence et sa bibliothèque taurine. Celui-ci lui communiqua la thèse de Doctorat en Médecine de Roger-Jean Angelys Mouledous sur « Quelques considérations médico-psychologiques et chirurgicales sur les corridas de taureaux » parue en 1924, et à l'époque de 1943, seul livre traitant le sujet. Jean Lauret y fait allusion.
 

Huit chapitres, une introduction et une conclusion structurent cette conférence. Sont ainsi développés la fréquence et le siège anatomique des blessures, leur nature en rapport avec l'acte taurin, avec le taureau ; les victimes du toréo à Nîmes entre 1833 et 1922 ; les mesures de protections ; le traitement des blessures ; les conséquences morales des blessures sur le torero. Un extrait de l'Ordre Royal du 8 septembre 1911 précisant les conditions que doivent réunir les infirmeries des plazas de toros est annexé au document.
 

Comme souvent dans ce genre de conférence de vulgarisation médicale taurine, le propos est à la fois narratif historique et scientifique. Pour expliquer les blessures mortelles de l'arène, il convient de l'illustrer par le récit de quelques corridas dramatiques ; Pepe Hillo et Joselito sont souvent cités en exemple. Dans cette conférence Jean Lauret n'échappe pas à la loi du genre. Les références historiques viennent avec brio soutenir la présentation des formes anatomo-cliniques des blessures et démontrent la validité des principes chirurgicaux du traitement de ces plaies.
 

Le texte laisse apparaître quelques curiosités... A propos des plaies thoraciques, Jean Lauret cite ; « celle qui a ravi à notre sympathie un des membres de ce Cercle, le pauvre Emilio Canario, tué à Marseille le 19 octobre 1941 ». On retrouve dans « Deux siècles de tauromachie à Marseille » de Paul Casanova, l'histoire de cette corrida monstre de deux toros de Sol pour Madame Emma Calais, et de huit toros de Lescot pour Paradas, Charles Michelet le novillero français, Litri et Canario Hijo, apodo d'Emilio Soler. Canario reçût en pleine poitrine la corne du quatrième taureau et succomba immédiatement. J'ignorais le fait qu'il appartenait au Cercle d'Etudes Taurines et donc à priori nîmois ?
 

Beaucoup moins tragique. Dans le chapitre VI - Les mesures de Protection, Jean Lauret distingue les mesures de protection individuelles qui incombent au torero et les mesures de protection générale qui incombent aux directeurs des Arènes. « Parmi les mesures de protection individuelle nous pouvons distinguer les mesures spirituelles et matérielles. Les spirituelles sont celles que presque tous les toreros demandent à la religion. » souligne Jean Lauret.
 

Les toreros de nos jours cultivent beaucoup plus leur entrainement physique que leur force spirituelle pour éviter la blessure. Je souris volontiers à cette illustration du vieil adage « Aide-toi, le ciel t'aidera » qu'emploie mon confrère, dans un très grand souci didactique et pédagogique, qui lui fait honneur.




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M
<br /> Emilio Soler Vidal "Canario II" était bien établi à Nîmes, et travaillait comme ouvrier typographe à l'imprimerie Barnier… qui éditait la célèbre revue nîmoise "Toros". Il y fut enterré le 21<br /> octobre. Seul soutien de ses parents (son père Emilio Soler "Canario I" avait été novillero dans les années 1900-1910) sa mort fut un véritable drame…<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Votre commentaire m'avait échappé. Mille excuses. Je le publie seulement ce jour et vous en remercie.<br /> <br /> <br /> <br />