La « Fête des toros » est grandeur

Publié le par vingtpasses

Par Antonio Purroy

Antonio Purroy est professeur titulaire de la chaire de production animale à l'École technique supérieure d'ingénieurs agronomes de l'Université publique de Navarre, dont il est Vice-recteur, membre de la Comisión Nacional Evaluadora de la Actividad Investigadora (CNEAI), organisateur des Jornadas sobre el toro de lidia, qui se tiennent tous les deux ans à Pampelune depuis 1998.

Il est l'auteur de La Cría del toro bravo. Arte y progreso. (Mundo Prensa, Madrid, 1988) et de Comportamiento del toro de lidia (Universidad publica de Navarra 2003), publié dans une traduction de Marc Roumengou sous le Titre, Comportement du taureau de combat (Atlantica, 2014).

Jeudi 8 Décembre 2016, Antonio Purroy donnera une conférence sur le populisme et la tauromachie à l'invitation du Cercle Taurin Nîmois.

"Populismos y tauromaquia : el baile de la hipocresía"

Les Jeudis du Cercle - Hôtel Imperator Nîmes - 8 Décembre 2016 à 19H00

Sur réservation - Contact :  jeudisducercle@gmail.com

Pourquoi nous défendons la Tauromachie

Il existe de nombreuses raisons de défendre la Tauromachie et plus elle est attaquée plus ceux qui aiment la Corrida trouvent de raisons de la défendre. Sa défense est d’ailleurs relativement simple lorsqu’on l’accompagne de quelques adjectifs qui l’exaltent. La « Fête des toros » est grandeur parce que les toreros jouent leur vie chaque après-midi et qu’ils continuent à être des héros dans notre modernité. Qu’est-ce qui pousse un jeune torero – parfois moins jeune – à affronter un animal qui à la moindre inattention peut le casser en deux et l’encorner dans l’âme ? Un mélange de risque, de défi, de satisfaction, de sentiments, d’orgueil, de victoire. Et il est si généreux qu’il s’offre aux spectateurs pour qu’ils vibrent et s’émeuvent, car ce sont bien des étincelles d’émotion et d’art qui se dégagent de la rencontre toro-torero. On pourrait dire la même chose de la tauromachie populaire, où les jeunes gens anonymes jouent également leur vie en échange d’une poignée d’applaudissements et guère plus. Existe-t-il une plus haute grandeur dans la modernité actuelle ? « Le toreo est grandeur », disait en effet Joaquín Vidal.

            La Tauromachie est admirable parce que la vie du toro dans son habitat est admirable, en raison de l’environnement dans lequel il est élevé, particulièrement la Dehesa[1], qui est un écosystème à la fois agricole, sylvestre et pastoral merveilleux et unique d’une grande valeur écologique. Le comportement du toro est admirable ; il est le fruit d’un système de sélection appliqué par les éleveurs depuis plus de trois siècles, où, pour choisir les étalons et les mères des futurs toros, on combine l’héritage transmis par les parents, leur bravoure propre et la transmission de leurs caractères à leurs descendants.

            C’est une méthode de sélection parfaite qui a peut-être été inventée par les éleveurs de braves sans qu’ils le sachent vraiment et qui s’applique aujourd’hui à de nombreuses races de bétail dans le monde.

         La beauté qui se dégage de nombreuses phases de la lidia est admirable : un défilé musical et lumineux dans des arènes pleines ; quelques véroniques suaves et lentes devant un toro impétueux et racé ; une suerte de piques, aussi nécessaire que belle,  bien exécutée sur un toro brave à l’intégrité et au physique irréprochables ; quelques naturelles main basse à un toro noble et « encasté » ; l’engagement du volapié poussé aves cœur et conviction ; le toro qui résiste à la mort…

         Mais ce qui est véritablement admirable ce sont les valeurs que possède la Tauromachie, les valeurs éthiques de respect aux personnes et au toro ; les valeurs esthétiques qui se dégagent d’un art qui te donne la chair de poule ; la valeur écologique incalculable des milliers d’hectares de Dehesa occupés par le bétail de lidia ; les valeurs culturelles…

         La Tauromachie est effectivement une culture riche, et c’est peut-être pour cela que F. García Lorca disait que « la tauromachie est probablement la fête la plus emplie de culture au monde ». Tous les arts ont été influencés par la Corrida, autant en Espagne qu’en dehors, maintenant et dans le passé. La peinture et la littérature ont été probablement les arts qui ont été le plus imprégnés de la magie de la Tauromachie. De grands peintres comme Goya, Picasso, Manet, Zuloaga, Miró, Botero… et des écrivains importants – Valle-Inclán, Bergamín, Hemingway, Lorca, Alberti, Cela, Vargas Llosa… - ont été attirés par la force d’un monde qui ne laisse personne indifférent, en bien ou en mal.

         Les aficionados sont peut-être plus ou moins cultivés, mais personne ne doute de leur sensibilité. Les toreros ne sont pas des assassins (Santiago Martín “El Viti” un assassin ? Et puis quoi encore ?). Les aficionados ne sont pas des tortionnaires, ils ne jouissent pas de la douleur. Il est injuste de douter de l’attitude des spectateurs qui vont aux arènes en toute liberté pour assister à un spectacle absolument unique.

         Et ce qui est certain c’est que la Tauromachie est légale. La pression prohibitionniste actuelle est tellement forte – très bien orchestrée et très bien financée qui plus est – qu’elle donne l’impression aux aficionados et aux spectateurs potentiels que la Corrida est sur la corde raide et, ce qui est pire, elle finit par te faire sentir coupable d’y participer.

         Mais il ne faut pas s’alarmer en excès parce que l’ambiance prohibitionniste a toujours accompagné la Tauromachie. Parmi toutes les interdictions qui ont eu lieu, deux ont été particulièrement notables. D’une part, celle que le pape Pie V a prononcé en 1567 sur tout le monde catholique avec la Bulle De salutis gregis dominici contre les spectacles avec toros « qui n’ont rien à voir avec la piété ni la charité chrétienne, à cause du danger que courraient ceux qui y participaient ».

         Après une série de vicissitudes qui sont hors de propos, le pape Clément VIII abrogea 29 ans plus tard la bulle de Pie V avec le Bref Suscepti numeris qui maintenait tout de même l’interdiction pour les moines et les frères mendiants (les curés et les frères ont toujours eu une grande afición…).

         La grande interdiction arrivera avec Carlos IV et son Ordonnance Royale de 1805 dans laquelle « sont absolument interdits dans le Royaume les courses où sont sacrifiés taureaux et novillos ». Cette interdiction resta longtemps en vigueur d’un point de vu légal mais sans effectivité en raison de la tolérance des autorités qui n’eurent pas le courage d’empêcher le déroulement d’une « Fête » si populaire, avec un tel engouement de la part du peuple, car elles craignaient que l’ordre public soit gravement troublé. Ce fut finalement en 1991 que l’interdiction fut levée par l’adoption de la Loi 10/1991 sur les « Pouvoirs administratifs en matière de spectacles taurins et ses conséquences », c’est-à-dire pas moins de 200 ans d’interdiction de la Tauromachie en Espagne (en France il y eut un phénomène semblable avec la loi Grammont de 1850) mais sans aucune conséquence effective. Cette loi fut adoptée alors que le socialiste Felipe González était le président du gouvernement.

         Par la suite, la Loi 18/2013 sur la déclaration de la Tauromachie comme Bien d’Intérêt Culturel et la Loi 10/2015 qui déclare la Tauromachie comme Patrimoine Culturel Immatériel renforcent la légalité de la Corrida dans toute l’Espagne, y compris la Catalogne après la récente sentence du Tribunal Constitutionnel (il était temps !) qui restaure la légalité des corridas dans cette région.

         Certains se refusent à considérer que la Tauromachie est « génétique » parce que l’amour de la « fête des toros » - dans sa plus large acception – est gravé au fer rouge dans l’ADN du peuple espagnol depuis des temps immémoriaux. Ces raisons, entre autres, sont celles qui nous donnent la force nécessaire pour défendre la Tauromachie sans complexe, sans sans peur, parce que, comme un toro brave, il faut se grandir en ces temps transcendants pour l’histoire de la Corrida.

Antonio Purroy Unanua

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