Harold en Italie - par Albert Martin
Après quelques années consacrées à une peinture « taurine » le peintre Albert Martin revient "vers une expression plus imaginative et symbolique", couchant sur sa toile en quatre tableaux la symphonie de Berlioz Harold en Italie. Les deux premières toiles achevées récemment résonnent telles les notes chargées d'émotion d'un stradivarius. Sans oublier ses "détournements de caparaçon" qui font toujours son bonheur, le maestro Albert décrit ci-dessous ses dernières peintures pour les lecteurs de Vingtpasses.
***
Méfiez-vous des commentaires touffus qui souvent accompagnent des œuvres . . . « minimalistes » (pour être poli) !
Après quelques années consacrées à une peinture « taurine » je reviens vers une expression plus imaginative et symbolique.
Par le passé j’ai eu différentes périodes : Paysages : Provence, marines, Grèce, Cévennes. Puis peintures murales : Bendor Musée Paul Ricard, Chapelle Saint Roch à Eyguières, Notre Dame de la Consolation à Villeneuve lez Avignon (pour ne citer que les plus importantes), puis symboliques avec une exposition sur le « Secret » Chapelle des Jésuites en 1999.
Je ne renie aucune de mes expressions, car je ne saurais travailler sans plaisir, aussi, si je délaisse la « Fiesta brava » au bénéfice d’une production plus intime et imaginative je n’abandonne pas pour autant mes « détournements » de caparaçons dont le concept et la rigueur graphique font encore mon bonheur.
Travaillant dans mon atelier depuis toujours sur fond de musique « classique », le poème symphonique de Berlioz Harold en Italie (tout particulièrement le deuxième tableau la marche des pèlerins) me procurait des émotions que je m’étais juré de coucher sur la toile. C’est ce que j’ai entrepris depuis quelques mois.
Cela coïncide aussi avec un questionnement « philosophique » et « humaniste » sur l’anachronisme qui peut exister autour de la fiesta brava.
Je ne revendique absolument pas être un dépositaire et un garant de telle ou telle culture de tradition ; cependant on ne peut pas rester sourd et aveugle devant les propos et agissements de tels ou tels « fonds de commerces » (je pèse mes mots).
Devant la mauvaise foi d’un pourvoyeur du net qui n’hésite pas à introduire au beau milieu d’une corrida à pieds (entre le deuxième Tercio et la Faëna) une figure de Rejonéador particulièrement brutale et sanguinolente, détail d’une lame à l’appui !!! (Reportage dans les arènes de Quito), je ne peux que m’indigner.
Indigné aussi par les luttes intestines qui ternissent le noble Art, le discréditent et manipule une majorité (non concernée ni géographiquement, ni culturellement) qui sera peut-être sollicitée, un jour, à s’exprimer par les urnes. . . . Mais revenons à nos moutons. Ci dessous le parallèle que j'ai tenté d'établir entre la musique et ma traduction peinte.
Pour la musique:
Premier tableau :
Violoncelles et contrebasses pour la musique entament une marche sombre au début, mais qui se dirige vers un « fortissimo » qui culmine, et, ensuite s’éclaircit avec l’entrée en scène de l’alto qui exécute le thème principal d’ « Harold » pendant de longues mesures. Cette progression nous amène tout naturellement à la « Marche des pèlerins ».
Deuxième tableau :
sujet du troisième tableau.
La Marche des pèlerins, point culminant (à mon goût) de cette œuvre de Berlioz, développe ce qui s’ébauche au premier tableau. Cette procession crépusculaire sortie de la pénombre du jour finissant. Les tintements de cloches dans le lointain, qui, quoique « vespéral » annoncent un jour nouveau qui nous apportera ses lumières et ses éclats festifs . . .
Pour la peinture:
Premier tableau :
Rythmes, formes et mouvements scandent dès le début de cette expression la réalisation de l’œuvre, et cela, tout au long de ces huit mètres de peinture. Pour ce premier tableau les sons et les motifs (qui seront répétitifs à l’image du thème récurrent d’ « Harold ») semblent traverser un miroir. Ainsi s’écrit la réflexion des notes et des personnages tout au long des 3 tableaux à venir.
Deuxième tableau :
L’échelle se transforme et les pèlerins cheminent dans le jour finissant. Les dominantes, des gris, des bleus, des jaunes vibrants et des noirs, scandent les pas des processionnaires. Ces fantômes tantôt sombres tantôt lumineux vont traverser la nuit aux sons des clarines quelques fois estompés par les brumes des marais. Ils se dirigent lentement vers l’éclat du soleil naissant.
Albert Martin
10 août 2011