LA CASTE FONDAMENTALE GALLARDO
TORO BRAVO, CASTES ET ENCASTES
Par Jacques TEISSIER *
(V) L'EMERGENCE DU "TORO BRAVO" (suite)
3. Des toros « sauvages » et « fraileros » d’Andalousie, source de la caste fondamentale gallardo
Par Jacques TEISSIER *
(V) L'EMERGENCE DU "TORO BRAVO" (suite)
3. Des toros « sauvages » et « fraileros » d’Andalousie, source de la caste fondamentale gallardo
La caste gallardo a une origine semblable à la caste cabrera : toros fraileros issus des grands troupeaux sauvages qui, aux 15e et 16e siècles, paissent encore librement en basse Andalousie. Pourtant, dès les origines, le gallardo n’a pas tout à fait le même type physique que le cabrera (on voit par là que les troupeaux « sauvages » andalous étaient lon d’être homogènes… on aimerait en savoir davantage…) ; le gallardo est plus rond et moins haut, il reste combattif plus longtemps que le cabrera ; mais lui aussi est puissant, très agressif au cheval et de pelages assez divers. Il n'en reste plus d'exemplaires purs. Les derniers gallardo subsistent chez Pablo-Romero/Partido de Resina, mais croisés avec du jijón, du cabrera, du vázquez, un peu de vistahermosa, puis du saltillo…
Marcelino Bernaldo de Quirós, curé de Rota près de Cádix mais d'origine navarraise, possédait déjà du bétail bravo de caste navarra. En 1762, probablement grâce à ses relations ecclésiastiques, il achète aux Dominicains de Séville du bétail issu des Chartreux de Jerez (ceux de Cabrera). Il vend alors la plupart de ses navarrais à un autre ganadero de Rota, Francisco Trapero, et croise [dans quelles proportions ?] ses vaches andalouses cartujanas, devenues "dominicaines", avec des étalons navarrais : il crée ainsi un encaste précurseur du gallardo. Il garde sa ganadería pendant 30 ans et arrive à une renommée assez solide pour faire sa présentation à Madrid au bout de 28 ans.
En 1792, Francisco Gallardo et ses frères, du Puerto de Santa María (Cádiz), acquièrent la plus grande partie de la ganadería de Don Marcelino. Ils la garderont presque 50 ans. Comme ils n'y ajoutent, semble-t-il, aucun autre bétail, le gallardo sera donc à la base une caste andalouse mâtinée de navarro. Cependant il faut noter que les frères Gallardo éliminent, dit-on, la plupart des navarrais (purs ? croisés à dominante navarraise ?...) qui restent encore, ce qui ne veut certainement pas dire que tout sang navarrais ait été éliminé : nous sommes une caste "semi-navarraise", dira-t-on quelquefois chez les Pablo-Romero.
Dans les premières décades du XIXe siècle, il se dit que :
° Pelages : les capes dominantes sont negro, berrendo en negro [et en colorado, et en castaño ? et en... ?], castaño et colorado (on ne voit donc pas encore le cárdeno, du moins de manière notable !).
° Morphologie : les toros des Gallardo sont "fins, de bon trapío et corpulents" (corpulents : un trait que l'on retrouvera particulièrement accentué chez les pablorromeros, surtout après 1930), ainsi que "de grande taille, osseux et longs" (ce qui est moins vrai du futur pablorromero !)... soit de magnifique présentation. Il est remarquable que, sur un dessin du début des années 1850, on trouve déjà chez un toro "issu de Gallardo" la caractéristique tête en trapèze des futurs pablorromeros ;
° Comportement : ils sont braves, puissants, durs de pattes, rugueux ; ils conservent du pouvoir et de la charge jusqu'au bout du combat, ce qui est rare à cette époque et que l'afición d'alors apprécie particulièrement (autre trait qui se maintiendra chez le pablorromero). Combinent-ils un peu l'imposant physique des toros cartujanos avec la caste endiablée des "toricos" navarrais ?...
Quant à eux, les pablorromero actuels sont :
+ Pelages : cárdeno et negro (les anciens ensabanados, berrendo en negro et en colorado de l'élevage ont disparu : ces lignées ne donnait plus satisfaction).
+ Trapío formidable : larges de poitrine et de croupe, beaucoup de morillo, tronc cylindrique, extrémités courtes, excellente conformation musculaire ; bref, les seuls toros d'un poids vraiment au-dessus de l'ensemble, même si la chose est devenue moins flagrante avec l’inflation généralisée de la taille et du poids. Tête petite, disproportionnée par rapport au volume de la bête mais donnant un ensemble harmonieux, avec de longs poils sur le frontal (meleno) et des poils frisés sur le cou (carifosco). Le museau est très camus. Le cou est court.
Un détail : la famille Pablo-Romero soutient mordicus que jamais, au grand jamais ! elle n’a croisé avec du saltillo. Non seulement le mundillo n’en croit pas un mot car il voit bien qu’à partir des années 1920 le type et le comportement du pablorromero n’est plus le même, mais les analyses génétiques de l’UCTL montrent le contraire : la petite part vistahermosa du pablorromero est constituée à 95% de saltillo ! Ce qui n’empêche pas le commentaire du document final de l’UCTL de soutenir la thèse officielle de la famille Pablo-Romero… ¡Vaya mundillo !
* Prêtre, aumonier des arènes de Nîmes, aficionado practico, Jacques TEISSIER a réalisé depuis plus de 10 ans un considérable travail de recherche dédié aux élevages et aux encastes de toros bravos, travail que les aficionados, les journalistes taurins, les professionnels de l'arène, les éleveurs, ainsi que les scientifiques peuvent découvrir sur son remarquable site: TORO–GENESE.
Le 5 novembre 2009, Jacques TEISSIER a donné une conférence devant les membres du CERCLE TAURIN NIMOIS dont il était l’invité. Dans son intervention l’auteur évoque, l’essentiel de la genèse du toro bravo en laissant de côté les détails indigestes qui jalonnent habituellement ce sujet ardu mais incontournable et passionnant pour l’aficionado. « Vingt passes, pas plus » publie le contenu intégral de cette intervention dans une série de 14 articles.
Prochain article : LA CASTE FONDAMENTALE VISTAHERMOSA
Marcelino Bernaldo de Quirós, curé de Rota près de Cádix mais d'origine navarraise, possédait déjà du bétail bravo de caste navarra. En 1762, probablement grâce à ses relations ecclésiastiques, il achète aux Dominicains de Séville du bétail issu des Chartreux de Jerez (ceux de Cabrera). Il vend alors la plupart de ses navarrais à un autre ganadero de Rota, Francisco Trapero, et croise [dans quelles proportions ?] ses vaches andalouses cartujanas, devenues "dominicaines", avec des étalons navarrais : il crée ainsi un encaste précurseur du gallardo. Il garde sa ganadería pendant 30 ans et arrive à une renommée assez solide pour faire sa présentation à Madrid au bout de 28 ans.

Dans les premières décades du XIXe siècle, il se dit que :
° Pelages : les capes dominantes sont negro, berrendo en negro [et en colorado, et en castaño ? et en... ?], castaño et colorado (on ne voit donc pas encore le cárdeno, du moins de manière notable !).
° Morphologie : les toros des Gallardo sont "fins, de bon trapío et corpulents" (corpulents : un trait que l'on retrouvera particulièrement accentué chez les pablorromeros, surtout après 1930), ainsi que "de grande taille, osseux et longs" (ce qui est moins vrai du futur pablorromero !)... soit de magnifique présentation. Il est remarquable que, sur un dessin du début des années 1850, on trouve déjà chez un toro "issu de Gallardo" la caractéristique tête en trapèze des futurs pablorromeros ;
° Comportement : ils sont braves, puissants, durs de pattes, rugueux ; ils conservent du pouvoir et de la charge jusqu'au bout du combat, ce qui est rare à cette époque et que l'afición d'alors apprécie particulièrement (autre trait qui se maintiendra chez le pablorromero). Combinent-ils un peu l'imposant physique des toros cartujanos avec la caste endiablée des "toricos" navarrais ?...
Quant à eux, les pablorromero actuels sont :
+ Pelages : cárdeno et negro (les anciens ensabanados, berrendo en negro et en colorado de l'élevage ont disparu : ces lignées ne donnait plus satisfaction).
+ Trapío formidable : larges de poitrine et de croupe, beaucoup de morillo, tronc cylindrique, extrémités courtes, excellente conformation musculaire ; bref, les seuls toros d'un poids vraiment au-dessus de l'ensemble, même si la chose est devenue moins flagrante avec l’inflation généralisée de la taille et du poids. Tête petite, disproportionnée par rapport au volume de la bête mais donnant un ensemble harmonieux, avec de longs poils sur le frontal (meleno) et des poils frisés sur le cou (carifosco). Le museau est très camus. Le cou est court.
Un détail : la famille Pablo-Romero soutient mordicus que jamais, au grand jamais ! elle n’a croisé avec du saltillo. Non seulement le mundillo n’en croit pas un mot car il voit bien qu’à partir des années 1920 le type et le comportement du pablorromero n’est plus le même, mais les analyses génétiques de l’UCTL montrent le contraire : la petite part vistahermosa du pablorromero est constituée à 95% de saltillo ! Ce qui n’empêche pas le commentaire du document final de l’UCTL de soutenir la thèse officielle de la famille Pablo-Romero… ¡Vaya mundillo !
* Prêtre, aumonier des arènes de Nîmes, aficionado practico, Jacques TEISSIER a réalisé depuis plus de 10 ans un considérable travail de recherche dédié aux élevages et aux encastes de toros bravos, travail que les aficionados, les journalistes taurins, les professionnels de l'arène, les éleveurs, ainsi que les scientifiques peuvent découvrir sur son remarquable site: TORO–GENESE.
http://toro-genese.com/torogenese/html/index.html
Le 5 novembre 2009, Jacques TEISSIER a donné une conférence devant les membres du CERCLE TAURIN NIMOIS dont il était l’invité. Dans son intervention l’auteur évoque, l’essentiel de la genèse du toro bravo en laissant de côté les détails indigestes qui jalonnent habituellement ce sujet ardu mais incontournable et passionnant pour l’aficionado. « Vingt passes, pas plus » publie le contenu intégral de cette intervention dans une série de 14 articles.
Prochain article : LA CASTE FONDAMENTALE VISTAHERMOSA