Mathieu Guillon et les Palha
Rafael Gómez Ortega « El Gallo » (1882-1960), fut un fantasque et fracassant torero aux multiples facettes. Au cours d’une longue carrière hors du commun, il met à feu les passions et marque son passage dans le cercle fermé des figuras. Ses pitoyables « espantadas », fuite tête plongeante dans le callejon, traduisent une irrépressible terreur devant un toro parfois anodin et lui valent alors comme récompense son pesant de têtes d’ail et autres choux-fleurs dispensés par des gradins en furie. Et le moment d’après, triomphant sur un nuage devant un grand toro, il écoute l’immense ovation de la foule sous une pluie de cigares. J’aurais aimé voir ça…
Gardons les proportions, mais l’excellente novillada de Palha le 4 juillet dernier à Vauvert est une évocation de ce passé tumultueux, un grand écart inattendu sur les degrés de sensation (aujourd’hui peu nombreux) de la corrida « moderne », une scène presque identique allant du pire au meilleur sur les pas du Gallo. Autres temps, autres mœurs : l’aficion est moins enflammée aujourd'hui, pas de choux-fleurs ni de têtes d’ail, pas de cigares non plus, Et Mathieu Guillon n’est pas le « divin chauve ».
Il n’empêche, le 4 juillet, il nous l’a jouée façon « El Gallo », jetant aux oubliettes ses deux compagnons de cartel rentrés bredouilles dans leur mère patrie. Devant son premier, très encasté, il apparaît tétanisé, sans recours, terrorisé par ce Palha qu’il ne sent pas. Il renonce sur chaque passe et l’expédie ad patres sans fioritures ni temps morts ! Tristesse et déception du public inquiet pour la suite de la course (et pour sa carrière).
Et voici qu’à son deuxième, remonté comme un diable, Mathieu s’engage à fond dans toutes les suerte. Véroniques serrées, pose des banderilles, faena de classe et « a gusto », cites de loin, aguante et main basse, temple et domination, belle entière engagée. Deux oreilles et vuelta au Palha. Clin d’œil à une légende.
Voir la vidéo de Feria tv:
http://fr.feria.tv/video-1446_vauvert--mathieu-guillon-et-le-palha.html
Voir aussi l'article : "Le toreo n'est pas la messe des morts"