Sauvez TOROS !
Créée en 1925 par "Miqueleta", La revue TOROS, doyenne de la presse taurine française, est une véritable référence. Elle est pourtant menacée de disparition dès la fin de cette année. La grande qualité du contenu éditorial ne saurait être à l'origine de ses difficultés. Il y a d'autres raisons.
1- La révolution numérique
« Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux grandes révolutions : le passage de l’oral à l’écrit, puis de l’écrit à l’imprimé. La troisième est le passage de l’imprimé aux nouvelles technologies ».
Michel Serres (1), académicien et philosophe, plaide l’indulgence pour la génération « mutante », si agile à communiquer avec son pouce, contrainte de tout réinventer, et qui change, simplement parce que la planète a changé.
La multitude dispose aujourd’hui sans limite d’un accès universel aux personnes, aux lieux, à l’information et au savoir. La génération « mutante » se connecte, envoie, échange, commente, recommande, partage, retweete... pas avec TOROS.
2- La presse sur le web, sans TOROS
Le Figaro, La Croix, Les Échos, L’Huma, « vénérables vieilles dames » presque toutes centenaires devenues des institutions, connaissent une nouvelle jeunesse sur le web. Elles ont dû rechercher d’autres modèles susceptibles de favoriser leur développement, de préserver leur position, ou simplement d’assurer leur survie. Si elles continuent d’informer parallèlement leurs lecteurs sur du vrai papier journal, avec de l’encre, elles savent aussi que toute solution pérenne passe par le numérique et le cross-media pour générer des synergies, tant éditoriales qu'économiques.
Venons-en au sujet de notre passion. Les blogs et sites taurins français et espagnols sont légions sur le net et constituent un vaste espace dédié à la communication et à l’information tauromachique. TOROS n’y figure pas.
3- TOROS est une référence, mais...
Celui qui a lu et collectionné TOROS éprouve depuis toujours un sentiment de respect empreint de nostalgie. De confiance aussi, car les propos exprimés dans ses lignes constituent une référence tauromachique des plus pertinentes. Toros a accompagné beaucoup d’entre nous dans sa quête d’aficion. Toros a mis à notre portée, années après années, la culture et le savoir tauromachique, avec sérieux, avec la certitude que la lecture du précieux contenu constituait pour tous une loi d’airain. Personne n’a jamais douté aussi que la fabrication de chaque numéro constituait un tour de force de la part des collaborateurs de la revue et témoignait d'une parfaite abnégation relevant de la pure aficion. L’attente du prochain numéro suscite toujours l’impatience, et une fois dans les kiosques, la découverte du TOROS nouveau et son odeur d’encre fraîche procurent un vrai plaisir. Envisagé sous cet angle, le modèle semble parfait.
Sauf qu'on peut lire chaque jour "au fil de l'eau" les compte-rendus de course sur de nombreux sites web. Pas chez TOROS qui les sert à son rythme, souvent excellents, quelque peu réchauffés.
4- Mourir debout, emporté par le flot ? Une fin inconcevable pour une revue "culte"
Depuis quelques années, les nuages s’accumulent. Dans le N°1961 du 20 septembre, Joël Bartolotti fait la chronique d’une bien triste "mort annoncée" pour le 31 décembre 2013 et pointe les causes de cette situation : la concurrence d’internet, la baisse des ventes et des abonnements, en fait, le vieillissement du lectorat, la hausse des coûts, la rédaction vieillissante, le difficile renouvellement de collaborateurs acceptant le bénévolat.
En réalité, la somme de ces difficultés semble tenir dans le refus revendiqué de toute évolution d’un modèle complètement obsolète, encore aggravé par une réaction épidermique à toute référence à l'internet. L’existence d’un plan B, en cours d’étude à l'initiative de quelques collaborateurs de la revue qui n'écarterait aucune piste d'évolution, permet d’espérer que la revue TOROS sera sauvée en préservant ses valeurs sacrées : la primauté du toro, la défense de l’éthique de la corrida.
S’il vous plait, Messieurs, sauvez TOROS !
Charles CREPIN
(1) Petite Poucette – Michel Serres – Éditions le Pommier 2012