A propos des Domecq de Nîmes
Souvent « juste » de tête et de force, sa bravoure lui ferait vite atteindre ses limites au cheval. Dans sa grande mansuétude le maestro veille à le préserver en abrégeant le tiers, pensant aux trophées qui vont venir ensuite sur un air de Concha Flamenca.
Dans ces conditions, « Vingt passes pas plus » n’est pas de mise. Cet aphorisme désuet auquel je tiens tout de même encore un peu est dédié à un autre répertoire tauromachique. Taureau baroque et romantique, le Domecq est, lui, l’acteur incontournable des faenas à « cent passes » plébiscitées par les aficionados « toreristas » ainsi que, grosso modo, par les « touristes ».
De leur côté, les purs toristas qui l’ont renié pour sa douceur et voué aux gémonies rechignent injustement à reconnaître que ce fer a rendu possibles des triomphes historiques, imprégnant de sa marque les plus belles pages de la tauromachie des soixante dernières années. Et le 13 mai dernier, le lot du cousin Parladé a été consacré triomphateur de la « corrida la plus complète » de la San Isidro. Une renaissance annoncée ou une hirondelle dans la primavera ?
Clairement, Hubert COMPAN, Docteur Vétérinaire, a un faible pour les Domecq. A travers une contre-reseña de la corrida matinale nîmoise de Pentecôte, il non livre ci-dessous sa vision personnelle de la course appuyée par sa longue expérience professionnelle consacrée à l’étude de la race brave et à l’observation du comportement des taureaux de combat.
Charles CREPIN
Par Hubert COMPAN, Docteur vétérinaire
N° 110 Ponce Avec le premier, la corrida commençait bien : un toro mobile qui venait de loin mais un peu au ralenti : plus un problème de génétique que de faiblesse avec une faena qui a duré sans cassure de rythme et qui a permis à Ponce quelques figures de danse classique.
N°168 Finito de Cordoba Un toro profond de poitrine avec peu de morillo, très mobile dès sa sortie, galopant au capote, vers le cheval, aux banderilles occupant l’arène malgré ses petits 500 kg, et à la muleta, un régal pour Finito qui semblait ne pas vouloir s’arrêter de toréer ce type de toro qui semble reprendre des forces en fin de faena : la noblesse Domecq ajoutée à la caste et la résistance.
N° 118 Manzanares Toro intéressant pour le nutritionniste : joli toro musclé devant et derrière, galopeur comme tous mais après les piques et pendant la lidia, chute 2 ou 3 fois. Mais toutefois répète, mais ne permet pas à Manzanares de sortir le grand jeu : le type du toro « glycolytique », terminant avec des crampes des postérieurs, phénomène fréquent dans la ganaderia JP Domecq.
N° 195 – Ponce 3 tours de piste inutiles au galop dans les grandes arènes de Nîmes, c’est déjà une grosse dépense de carburant, une première pique qui dure après un fort impact, un second impact violent qui met le toro un peu KO au sol : le seul toro faible à la muleta, et on comprend pourquoi !
N° 188 - Finito de Cordoba Un toro de trapio très moyen : il avait par contre une vitesse au sprint étonnante et la sauvagerie en plus, il a couru de partout et rentrait avec ardeur dans la muleta sans baisser de rythme tout au long de la faena, et ce n’était pas un « bonbon » dans les premières rencontres. Un épisode émotionnant : à l’agonie et crachant le sang, le toro s’est relevé 4 fois avant de tomber sur le flanc, sous les clameurs du public demandant la vuelta à une présidence insensible à ce type d’évènement : Bronca monumentale et grande ovation au toro
N° 24 Manzanares Toro bien fait dans le type, lui aussi très mobile dans les 2 premiers tercios avec une grosse pique qui comptait double, très intéressant à la muleta, et plein de noblesse pour une faena qui a duré et que Manzanares a su doser. Les crampes étaient encore là, pattes amenées sous l’abdomen, mais avançant toujours dans la muleta. Grande ovation à la sortie
En conclusion : 3 excellents toros, un seul avec de la vraie faiblesse,
Le tercio de piques : bien entendu Ponce, Manzanares, Finito de Cordoba ont vite identifié, dès la 1ère passe de capote, l’extrême noblesse des toros, et le risque de manso con casta était faible, car il n’y a aucune parenté avec Cantinillo de Dolores Aguirre ! : ils font donc très attention à ne pas gaspiller de l’énergie au cheval mais malgré cette précaution, les piques ont été reçues à l’allure du grand galop avec bravoure, avec des impacts violents, la seconde à minima, très vite relevée. (On a rarement vu un toro de Victorino Martin s’assommer sur le contact avec le cheval).
3 toros au moins auraient supporté 2 vraies piques et on peut rêver que dans l’avenir lointain avec la future pique de 6 cm (dont Alain Bonijol nous a parlé dans son intervention au Cercle Taurin Nîmois), la 1ère pique donnée à minima et aussitôt relevée et une vraie 2ème pique pouvant partir de loin et même de très loin, on pourrait prendre beaucoup de plaisir.
Les tercios de banderilles ont tous été très animés avec des toros mobiles qui suivaient jusqu’aux planches et qui annonçaient des débuts de faena au grand galop, aucun toro « parado » malgré la proximité de l’épuisement, la musique de Chicuelo magnifique et pour la 1ère fois j’ai entendu chanter les arènes de Nîmes, pour la 1ère fois malgré l’heure tardive (14 h) les arènes ne se sont pas vidées avant la sortie des toreros, avec de grandes ovations au toros et aux toreros, le soleil, pas de mistral, le bonheur : pour moi, cette corrida de JP Domecq a été importante.
J’ai cru comprendre que le même bonheur a existé lundi dans les arènes de Vic, après le spectacle qu’a donné un toro de Dolores Aguirre, avec toutefois une différence dans le niveau de satisfaction générale : autant JP Domecq pouvait être satisfait de l’ensemble de la course, autant le ganadero de D.Aguirre a pu se poser la question de savoir si l’avenir de son élevage est de produire des Cantinillo ?
Je me permets d’interroger mes confrères sur 2 points :
- Quel est le toro qui a dépensé le plus d’énergie, Cantinillo de Dolores Aguirre ou le JP Domecq N° 24 le second de Manzanares ( voir corrida.tv ) ?
- Ces 2 tauromachies peuvent-elles se rejoindre un jour ?
Le trophée de la meilleure ganaderia de la San Isidro 2014 a été attribué à la ganaderia PARLADE, c’est un signe fort.
Hubert Compan