TOROS DEBOUT !

Publié le par Hubert Compan

Toros debout - Pour une tauromachie durable

Quand Hubert Compan prend la plume, le "Domecq" n'est pas loin. Son propos scientifique direct, parfois provoquant, ne laisse jamais indifférent. C'est qu'en la matière, Hubert est orfèvre. Le Domecq, il connait. Il porte un regard d'expert, à la fois professionnel et aficionado sur cette mono-encaste incontournable qui donne des boutons à certains aficionados de Nîmes et d'ailleurs. Vous savez, ceux qui prennent la route de Vic pendant les fêtes de la Pentecôte... Des "pisse-vinaigre" paraît-il !

Pour l'heure, Hubert Compan fait le point sur les toros de la mono-encaste, magnifiquement présentés à Madrid pour la San Isidro, souvent très en deçà des attentes, et surtout à Nîmes pour la dernière Pentecôte où les "Domecq" ne manquaient pas, mais aussi un desecho désormais imparable, avec des exemplaires néanmoins qualifié de "plus chers et plus luxueux" par l'empresa...

Vingtpasses.

Photo Midi Libre
Photo Midi Libre

TOROS DEBOUT, pour une tauromachie durable

Par Hubert Compan, vétérinaire taurin

Feria de Nîmes 2016 :

Parlade, Torrealta, Garcigrande, Zalduendo, Juan Pedro Domecq, Daniel Ruiz : aucun toro de la « mono-encaste » ne m'a laissé un grand souvenir. J’espérais beaucoup de la novillada de Parlade : déception pour les signes de faiblesse, un état d'engraissement excessif et deux jumeaux ou presque du même élevage, même alimentation, le N°1 très faible, le N°6 d'une grande mobilité tel un marathonien : qui peut comprendre cette différence de comportement ? Peut- être le mayoral ? Pas moi.

La corrida du 15 mai JP Domecq

J'avais repéré à travers les petites grilles des grands corrales de Nîmes deux toros : un toro particulièrement « musclé » et un toro avec une tête de vache, des cornes vers le ciel, brocho, un berceau plus étroit que l'os frontal, un toro très vilain, certainement chargé comme sobrero...

Les deux premiers de trapio agréable ont galopé et ont donné du jeu dans les 3 tercios,

le 3ème : quelle fut ma surprise de voir sortir cet affreux bovin sans qu'aucun aficionado nîmois ne manifeste ! Les aficionados Nîmois étaient-ils tous à Vic ? La revue Toros écrit : le 3 n'était rien ! Puis le N°67, 2ème de Manzanares, sort comme une bombe, approche le record du monde du 100m taurin, chute après les piques, ouvre la bouche et ne trouve plus son oxygène. Le N°48 de Lopez Simon : trop de muscle, trop de gras pour un squelette trop fragile avec une double luxation ou fracture (?) des antérieurs. 'C'est peut- être pour équilibrer les poids qu'on l'avait couplé avec l'affreux131 (il y aurait eu des pressions de la part des apoderados pour sortir l'indigne 131...). Le sobrero de Lopez Simon dépense moins d'énergie au 1er tercio. Très noble, il dure longtemps dans la muleta : 2 oreilles. Au N°93 de Varea, il n’a pas manqué grand-chose pour être un bon toro, mais la baisse de rythme en fin de faena a été importante.

Avec les toros de la mono-encaste, je me dis souvent : il n'en fallait pas beaucoup pour que ce soit un bon toro. Et si le vilain 131 et le toro « gonflette » 48 grand blessé de guerre (que le mayoral considérait comme un toro à risque) avaient été mis en réserve, le spectacle aurait été différent.

La corrida de Parlade du 25 mai à Madrid

JPD a eu en héritage les vaches et toros de son père. Les vaches et les toros du fer de Parlade, c'est autre chose. La ganaderia Parlade semble produire des toros de morphologie et de toreabilité différente de la ganaderia JPD. Souvenons- nous des deux Parlade de la goyesque d'Arles en septembre qui tous les 2 auraient mérité la vuelta. Souvenons- nous de Madrid 2014 : meilleur lot, et de Madrid 2015 avec un toro de 600kg exceptionnel de mobilité, dont le sperme a été collecté post mortem pour faire des paillettes d'insémination. La ganaderia est située au Portugal à proximité de la frontière et les toros sont amenés à « lo Alvaro » pour la finition. Les toros de Madrid recevaient donc la même alimentation que les JPD : de l'herbe cette année abondante et 7 kg par jour de mélange haché menu de paille et pienso. Moyenne des six toros sortis le 25 mai : 608 kg.

J'ai pu voir la corrida sur écran géant. Mundotoro écrivait le lendemain : manque de carburant ! C’est vrai qu'ils étaient un peu « couverts », c'est vrai qu'ils ont vite ouvert la bouche, mais c'est aussi vrai que le n° 5 de Fandiño de 649 kg, et le n° 6 de Garrido de 606 kg ont galopé comme des Garcigrande en forme : c'était une corrida où chaque passe avait sa valeur, tellement les volumes et les pitones étaient surdimensionnés. A mon avis, c'était, une corrida madrilène non reproductible ailleurs, avec la puerta gayola de Padilla à son premier toro de 640 kg, enlevé puis piétiné à la première paire de banderilles. Fandiño, visage fermé, en difficulté devant son premier toro, et Garrido essayant d'enfoncer son épée au sommet himalayen du garrot.

Deux observations sur les corridas madrilènes : la rapidité avec laquelle les toros son fixés dès leur sortie : et la question que je me pose quand on voit à Nîmes la difficulté des toreros et peones à retenir les toros dans le capote : la forme ovale des arènes de Nîmes favorise t- elle la fuite des toros et les tours de piste inutiles ? L’immobilité du groupe équestre nous fait penser aux picadors des années 80.

Mes conclusions sur la feria nîmoise 2016 : une grave indigestion de la mono-encaste qui a rendu malades beaucoup d'entre nous. Actuellement 70 % des corridas font appel à la mono-encaste, 30% aux autres encastes dites minoritaires : phénomène irréversible dans le court terme.

La faiblesse de la mono-encaste nîmoise : la faiblesse de la mono-encaste, on connaît. On connaît ses caractéristiques musculaires, on connaît ses besoins en glycogène, on connaît ses pannes de moteur, on connaît même les solutions présentées à l'issue des travaux de recherche de l'INRA.

Un petit rappel : les toros Domecq ont une proportion élevée de fibres rapides glycolytiques au dépend des fibres intermédiaires oxydoglycolytiques et oxydatives adaptées aux efforts alternés et de résistance. Il y a des morphologies à risque dans la mono-encaste et ces différences morphologiques expliquent les bons résultats de plusieurs ganaderias plus solides : la ganaderia à la mode, Pedraza de Yeltes, Fuente Hymbro (pas toujours) Parlade etc. Quelques ganaderias espagnoles appliquent avec de bons résultats les recommandations de l’INRA. Ce sont des éleveurs de la mono-encaste très conscients des problèmes à la recherche de solutions, prêts à se remettre en question et à chercher des compétences.

Alors peut-on faire bouger les choses… et les toros ? J'ai quelques idées sur le sujet.

A suivre...

Publié dans Le toro

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Bonjour, j'aime beaucoup ce que vous faite à très bientôt<br /> Pascal<br /> http://www.gite-giverny.com<br /> ulmnormandie@gmail.com
Répondre
J
Où peut-on consulter les travaux de l'INRA, et les solutions préconisées?
Répondre
V
Suivre le lien :http://www.vingtpasses.com/pages/Faiblesse_musculaire_et_chutes_des_taureaux_de_combat-3738200.html<br /> Article "Faiblesse musculaire et chutes des taureaux de combat" publié par VingtPasses le 12 septembre 2010.
M
H.Compan était à Nimes et nous raconte sa féria Domecq . De peu d'intérêt .Nous préférons Vic comme d'hab. Laissons à Nîmes ceux qui considèrent la tauromachie de manière étriquée en la réduisant aux mêmes encastes , aux mêmes toreros et au bling-bling. .La beauté et l'intérêt de la corrida , c'est sa diversité , et non pas la monotonie et le formatage . Par contre j'étais à Madrid pour la corrida de Parladé et je puis confirmer le petit <br /> plus de piquant de ces toros . Mais bon, rien d'extraordinaire toutefois . Heureusement qu'il y avait un Padilla ...héroïque ... comme bien souvent .
Répondre
J
Mille mercis!