1er tercio (III) : pique et pique et...
Pique et pique et ...
Par Gérard BOURDEAU
Président de l'Association Française des Vétérinaires Taurins
Il me plaît ( belle formule, non ? ) à rappeler que la polémique autour de la pique, commence à dater, et que l’AFVT, association que je représente a toujours été au cœur du débat. Depuis toujours, nous sommes les fidèles défenseurs de ce tercio tant décrié, tant galvaudé, bâclé au point de vouloir le rayer de la fiesta, parce qu’inutile et réducteur selon certains, mais surtout trop révélateur de l’état catastrophique du bétail brave actuel. Aussi, après Céret de Toros 2013, que nous attendions tous avec impatience et envie, faisant suite au succès majeur de Fernando Robleno de l’année passée (photo ci-dessus), quand vient l’heure du bilan, il y a forcément un peu de déception, voire de doute dans les têtes. Pourquoi ?
D’abord, par la pauvreté du tercio de piques qui nous a été proposé, et cela mérite quelques explications.
Céret est une place où le toro est Roi, et la programmation 2013, si elle a fait faire la grimace aux ( éternels ) insatisfaits habituels, n’en était pas moins irréprochable, avec des lots homogènes, bien ’typés’ Leur sortie en piste, souvent remarquable, n’a hélas pas été suivi par un comportement de brave, "con fijeza" et c’est sans doute au moment du tercio de pique que cela s’est le plus ressenti. Tardant à s’élancer vers le cheval, sans grand enthousiasme, plus en trottant qu’au galop, les toros n’ont pas inspiré les piqueros de service qui ont enchaîné les mauvaises piques. Pourtant, ils étaient tous confirmés, avec un statut de vedette, mais du callejon, on percevait vite que ce ne serait pas le jour (les regards, les expressions), et que récompense ou pas, cela n’inverserait pas l’impression initiale. Et le lendemain, l’histoire se répéta, comme si cela était écrit. Mais diable, pourquoi avons-nous eu droit à une telle répétition de mauvais gestes, si ce n’est un manque de bonne volonté ? (J.J.Dhomps )
C’est alors qu’intervient le problème de la pique elle-même. Depuis belle lurette, - au moins 4 ans – cela devient un problème récurrent, et nous, vétérinaires, souvent sollicités à ce sujet, il nous est difficile de répondre scientifiquement (actuellement du moins ) au dit problème. Quel est-il ? Il tient essentiellement au nombre de piques sur le marché. A la pique "classique", émanant du Reglemento Taurino Nacional, sont venues se rajouter la pique andalouse, la pique Bonijol, puis celle d’Heyral et pour finir des piques "aménagées" (encordement)…Que penser de cet embrouillamini ? Il est évident que la décision d’imposer l’une plus que l’autre, ne peut qu’intervenir après des études sérieuses effectuées avec la volonté d’aboutir à un accord consensuel. Merci J.J.Dhomps, L.Giner de penser que nous sommes les seuls à pouvoir mettre en place une telle étude, avec les difficultés logistiques et humaines que cela représentera. Ceci dit, à Céret, quelle que soit la pique utilisée (la pique espagnole traditionnelle), rien n’explique la manière et la façon de faire des piqueros lors des deux jours. Etait-ce une volonté délibérée de mal faire, en représailles au type de pique utilisée (lobbying pro-Bonijol, ou anti- organisateur) ?
Et même si les propos suivants ne concernent pas vraiment Céret de Toros, il est un troisième volet que brièvement il faut évoquer. C’est le rôle des toreros vedettes, qui depuis des années ont imposé leur tauromachie (toros ressemblant davantage à des brebis à laine noire, déroulement de lidia stéréotypée qui commence avec la muleta…) Et si ces toreros vedettes ont de bons piqueros, ces derniers ne sont que des faire-valoir aux ordres du maestro. Sans doute trouverions-nous d’autres raisons pour qu’enfin, le premier tiers soit respecté et que la fête commence là. J’avais au printemps lancé une enquête à ce sujet, et vous avez été très nombreux à me répondre. Cet hiver, nous ferons un débat public à ce sujet et vous verrez que vous avez bien cerné le problème : des toros, des cavaliers, des cuadras de chevaux ad hoc, des présidences qui président, et des organisateurs qui comme à Céret aiment ce premier tiers et veulent préserver les vraies valeurs qui vont avec.
C’est un vrai chantier comme le dit J.C. Roux dans le dernier numéro de Toros, et je ne dirai pas que l’UVTF est aboulique, mais il faut qu’enfin, ils prennent le toro par les cornes et s’imposent comme les décideurs qu’ils sont et doivent être, dans le mundillo français, chaque ville devant oublier de se regarder le nombril. Il y va de la survie de notre passion, la Corrida de Toros.
Photo : Ceret 2012 - Gabin - Escolar Gil