Bilan à mi temporada 2009

Publié le par vingt passes, pas plus...

LA CHRONIQUE DE FREDERIC PASCAL


Il est révolu le temps ou les toreros pouvaient se présenter à Nîmes avec la décontraction des cyclistes en critérium de province. Avec les progrès de la presse et surtout depuis que l'information circule à la vitesse de la lumière sur internet, un échec dans la plaza nîmoise est immédiatement répercuté au quatre coin de la planète taurine. Il est donc interdit et les matadors se jouent la peau ici comme à Madrid. Certes les toros sont moins volumineux, mais quel que soit leur poids, lancés à pleine puissance à 60 Km/h, à la pointe de leurs cornes, l'énergie cinétique disponible peut projeter un homme de 70 Kg à 90 mètres de hauteur. Largement de quoi le tuer! Les  arènes de Nîmes sont désormais une vitrine importante, ce qui s'y passe n'est pas sans influence sur la cote des matadors. Chacun vient ici pour défendre sa place dans la hiérarchie, car de sa prestation dépend sa capacité de manœuvre pour négocier ses cachets futurs. De plus, ce sont des stars et dans ce milieu les querelles d'ego font des ravages. Personne ne veut rien céder à son voisin de paseo. Après six jours de corridas quel bilan peut on tirer?


 

Mercredi les Miura ont déçus et l'arlésien Juan Bautista a maintenu son rang. Avec plus de chance à la mort, il aurait même pu couper une oreille à chacun de ses ennemis. Dès jeudi ce fut un affrontement au plus haut niveau entre El Juli, le numéro un depuis dix ans et le biterrois Sébastien Castella qui lui conteste sa suprématie depuis trois année pleines. Résultat un feu d'artifice: sept oreilles à eux deux et une sortie conjointe en triomphe par la porte des consuls, avec un léger avantage pour le français.  De la novillada du vendredi on retiendra le bijou de faena réalisé à son premier par le nîmois Patrick Oliver.  On parlera encore longtemps de la corrida du vendredi. Elle est allée au delà des espérances des 17 OOO personnes qui garnissaient les gradins jusqu'à leur sommet. Face à deux animaux peu collaborateurs José Tomas, le seul torero « qui oublie son corps à l'hôtel » a forcé le succès coupant trois oreilles. « Quand je vois une faena comme ça, ça me mets dans le même état que quand je lis Baudelaire » déclarait, très ému, Simon Casas, le directeur des arènes.  Les deux autres toreros, mieux servis par le tirage au sort des toros  ont raflé quatre oreilles et une queue. Mais surtout, le quatrième toro, qui échut à Javier Conde a été si extraordinaire que le public à demandé et obtenu sa grâce. 
Photo C. CREPIN

 

Il est rentré vivant au toril, où il a été immédiatement pris en charge par les vétérinaires afin que ses blessures cicatrisent au plus vite. Il s'appelle « Lanero », il est noir de pelage, porte le numéro 83, pèse 490 kg et est né en novembre 2004. A l'heure actuelle, il récupère de façon satisfaisante. Dès qu'il sera en condition de supporter le voyage il rentrera dans ses verts pâturages, où un longue vie de reproducteur l'attend. Son propriétaire, le ganadero Justo Hernandez, dit de lui « C'est un des meilleurs toros que j'ai envoyé aux arènes » et il a bien l'intention de lui faire couvrir ses vaches pour que ses qualités se transmettent de génération en génération. « Je me souviendrai de lui toute ma vie » promet Javier Conde, son matador « et j'espère que lui aussi se souviendra de moi ». Puis, aussi poète en parole qu'en piste: « grâce à lui j'ai libéré mes nécessités internes, tout ce qui fait mon intimité, j'ai eu la sensation d'une énorme paix intérieure » Poussant l'introspection, il avoue s'être senti habité « Il m'arrive un chose curieuse, je ne me souviens de rien de la faena. Ça a été grandiose, j'ai senti que je devais sortir quelque chose qui était à l'intérieur de moi ». Paroles de créateur et conclusion inouïe pour un torero « j'ai senti que ça se faisait tout seul sans même l'intervention de la muleta, je l'ai senti si fort que j'en suis venu à toréer en fermant les yeux » Imaginons Picasso à l'œuvre les yeux bandés. Grandiose! Le samedi matin le centaure Pablo Hermoso de Mendoza n'a laissé aucune chance à ses adversaires: quatre oreilles et une queue. L'après midi l'ambiance est tombée d'un cran El Juli n'a pas eu sa réussite habituelle à l'épée, du coup le triomphe est allé à un néo-matador de 19 ans, Daniel Luque, avec le quel les meilleurs vont devoir compter. Dimanche matin la météo a gâché la fête, une pluie lourde et froide a causé l'annulation de la corrida. Dommage car la compétition entre l'inusable Henrique Ponce et la nouvelle icône de l'aficion sévillane, le fils éponyme du grand José-Maria Mazanares, la compétition s'annonçait fructueuse. L'après midi les toros de l'éleveur français Robert Margé étaient très attendus. Ils ont vendu chèrement leur peau. Tous ont maintenu le public attentif pendant les deux heures et demie qu'a duré le spectacle, certains par leurs qualités défensives d'autres par leur genio et le quatrième, noblement, en relevant tous les défis avec panache. Ils ont prouvé qu'ils pouvaient tenir leur rang dans les grandes ferias, à la condition de trouver face à eux des garçons expérimentés et courageux. Antonio Barrera, qui a coupé deux oreilles, est l'un d'entre eux. Il devrait se confirmer prochainement comme un spécialiste incontournable du créneau des corridas dites « dures ».  

La hiérarchie constatée à Nîmes est quasiment la même que celle issue de la feria de Madrid. A trois exceptions près: le cas particulier de Morante, la despedida d'Espla et la grande porte surprise, et contestée, de Ruben Pinard, le dernier jour,  les triomphateurs sont les mêmes des deux cotés. A savoir: El Juli et Perera ont maintenu leurs positions et Castella à renforcé notablement la sienne. Il est le seul parmi les favoris de l'escalafon à être sorti par la grande porte avec deux oreilles et a marqué le cycle non seulement par son courage froid mais surtout par son habileté, son intelligence et la profondeur retrouvée de son geste. Il porte plus haut que jamais la bannière de l'aficion française.



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