La temporada sera "tendance"
J’en conviens : « tendance » est un mot à la mode qui, sorti de sa définition « laroussienne » d’un penchant pour quelque chose, est employé à toutes les sauces un peu comme font tous les méridionaux qui croient bon d’ajouter trois lettres grossières à chaque fin de phrase.
« Tendance », c’est un style, une manière de vivre, de raisonner, de se détacher de son prochain, de ne pas faire pareil que lui, c’est dénicher quelques vieilles frusques qui sont alors classées « tendance », c’est fréquenter tel ou tel établissement à la mode ; c’est se démarquer d’une ligne de conduite pourtant bien établie.
La « tendance » en tauromachie, fille de tradition, de rites, de rigueur, c’est proposer autre chose que la traditionnelle course de taureaux avec trois matadors et six toros. Pour remplir des arènes aujourd’hui, il ne suffit pas de mettre à l’affiche des noms aussi importants soient-ils, il faut innover, inventer, créer l’événement, allécher des spectateurs de plus en plus blasés par des faenas interminables qui finalement tournent en rond, mais qui permettent de gagner des trophées et beaucoup d’argent sans trop risquer sa vie à une certaine catégorie de toreros.
A l’heure actuelle, en ce début de XXIe siècle, les directeurs d’arènes doivent se creuser la cervelle pour parvenir à intéresser le public préparer « des coups médiatiques » percutants pour voir une arène comme celle de Nîmes pleine jusqu’à la dernière pierre du dernier rang de l’amphithéâtre. Et là il faut bien convenir que Simon Casas est passé maître dans cet art.
N’a-t-il pas, dans le passé, conclut une affiche Paco Ojeda face à des Miura ; n’a-t-il pas mis en scène les alternatives des fils Camino et Litri par leurs propres pères ; n’a-t-il pas façonné : Jesulin, Chamaco, Muñoz, Conde… ?
Mais son plus beau coup médiatique reste bien sûr cette corrida historique du 16 septembre 2012 mettant seul en piste José Tomas face à six toros soigneusement choisis pour l’événement.
Le retentissement mondial de cette corrida a certainement donné des idées à d’autres empresas et notamment Bernard Carbuccia, Bernard Marsella qui a su hisser à un très haut niveau les arènes du Palio à Istres. Cette année encore l’ex-torero marseillais crée l’événement en présentant trois courses et les aficionados s’en lèchent déjà les babines. Et il y en a pour tous les goûts taurins : mano a mano Morante de la Puebla-Sébastien Castella ; Juan Bautista face à six toros d’encastes différents où figurent ceux de Gallardo de Miura, d’Albasserada de Victorino Martin et Buendia de La Quinta et, plus doux, de Torrestrella, papa Jalabert et Puerto de San Lorenzo où court le sang Domecq de l’encaste majoritaire. Cerise sur le gâteau : une corrida de Victorino où, le Biterrois, pour son deuxième contrat, entre dans le cartel qui va certainement le changer de tout ce qu’il a l’habitude de toréer.
N’ayons pas peur de crier notre enthousiasme devant ces choix dignes d’une arène de première catégorie espagnole, même si l’on sait que les toros ne seront jamais comparables avec ceux de Madrid. Il est vrai que le maire ne transige pas avec les traditions tauromachiques et que les entreprises participent pleinement à l’épanouissement de cette fort belle arène moderne, transformable en salle de spectacles divers et variés...
Comme un bonheur ne vient jamais seul, l’Arlésien Jean-Baptiste Jalabert offrira des places gratuites aux jeunes aficionados. Une autre manière de faire venir des jeunes aux arènes et de les faire se passionner pour ce spectacle.
Cette « tendance » des toreros à ne pas se confiner dans des chemins sans ornière, cette « tendance » des directeurs d’arène à chercher des affiches originales ; cette « tendance » à espérer revoir de la jeunesse sur les gradins en utilisant la gratuité pour un spectacle inaccessible en raison de sa cherté, voilà qui redonne espoir et qui réjouit l’aficionado dans une période de doutes sur l’avenir de la fiesta brava.
Attendons que Simon Casas lève le voile sur les ferias nîmoises. Pour rester « tendance » dans le contexte actuel, elles ne peuvent qu’être plus stupéfiantes.