Vendanges : les 2 oreilles et la queue de Furtivo pour Manzanares

Publié le par Charles CREPIN

 

Faena parfaite ou étincelante pacotille ?

 

Le temple est l'expression gestuelle d'un processus technique et artistique complexe dans lequel l'intuition du torero est décisive. Bien exécuté, le temple est la quintessence d’une véronique sublime ou d'un muletazo parfait dont il ne peut être dissocié (1).

 

En ce samedi de Vendanges nîmoises, une faena magique de José Mari Manzanares est venue illustrer ce propos de façon magistrale. L’aficionado a vécu intensément une séquence de corrida exceptionnelle dont il parlera dans ses tertulias de l’hiver prochain. De son côté, le jeune aficionado aura puisé dans ce somptueux spectacle de quoi enrichir ses lectures sur l’art tauromachique.

On dit que cette porte des consuls marquera les mémoires, et sans doute pour longtemps.  « Faena de rêve », « Arènes chavirées », « Apothéose », « Corrida pour l’histoire », « Pour l’éternité » ... la presse taurine fait ses gros titres sur l'évennement.

 Après la corrida, dans les bodegas voisines de l’amphithéâtre, l’effervescence n’est pas tombée, et les superlatifs fusent de tous côtés dans les tertulias où aficionados et « touristes » partagent ce rare moment. Si leur langage est différent, une même passion les anime.

 

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 Descendu des nuages, je réalise bien vite que notre « Manzanaressimo » accapare pour lui seul les louanges. Le gentil « furtivo » a disparu dans les plis de l’étoffe, en permettant ce triomphe majuscule, archétype d’un modèle voulu par les figuras, réalisé par les généticiens du conclave ganadero, marchands de pacotilles, pour lesquels le client est roi… la seule trace dérisoire qui restera de Furtivo, tient sur une ligne du carnet d’élevage. Hors l’indulto, donc, point de reconnaissance.

En pleine tertulia, je lève le doigt, et comme au temps de la chevalerie,  je lance un assaut, certain de ma défaite mais cultivant fièrement mon panache. Ma hardiesse se lit sur quelques visages interloqués ...  Profitant de l’effet de surprise, je risque une remarque : cette faena purement plastique et esthétique est en réalité l'oeuvre d’un maestro surdoué devant un torito bonito, modeste d’armure (pour ne pas dire plus), d’où la plus petite molécule de caste a été éradiquée.

 Ma voisine de tertulia, visiblement dépitée par mon comportement suspect d'intégrisme, ne peut croire que je sois passé à côté de la gestuelle qui a caractérisé cette faena fondamentale pour la corrida (applaudissements), mais veut bien reconnaître mon droit à l’erreur...

Dans mes derniers retranchements, je cite le professeur Henry EY : « l'esthétique de la corrida commence lorsque s'égalisent les risques de mort, c'est à dire lorsque le taureau est assez dangereux ou lorsque l'homme s'expose assez ».

Le reste relève davantage de la chorégraphie que de la corrida authentique. (2) 

 

(1) http://www.vingtpasses.net/article-templar-le-temps-suspend-son-vol-119017924.html

(2) Chorégraphie : l'art de composer des danses et des ballets, principalement pour la scène, au moyen de pas et de figures.  (Wikipédia).


Publié dans Humeurs

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H
Ce toro était LE toro moderne par excellence... un caniche dressé.<br /> Quant au toreo de Manzanita nous étions loin, très loin du toreo pur de Jose Tomas.<br /> Mais qui fait la différence dans ce public festif ?<br /> Pas grand monde.<br /> Manzanita a pratiqué ce toreo pour gogos, ce toreo moderne autorisé par la candeur le l'opposant ou plutot par l'absence d'opposant.<br /> Ce fut exactement une démonstration esthétique de ce toreo moderne justement dénoncé par andré Viard depuis quelques saisons...<br /> Quant au "toro"... un caniche... le néant comme le déclare Joel Bartolotti dans le Midi Libre...
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M
Ah ?! je l'ai plutôt trouvé bon ce toro, y compris au cheval. Certes il s'appelait "Garcigrande" mais c'était là son seul défaut a priori. Ce n'est que mon avis...
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C
<br /> <br /> Du jour au lendemain les faenas de Manzanares et Robleño constituent deux extrémité de la corrida. Au delà du style des maestros, c'est le toro qui les distingue : entre un carretón qui permet à<br /> un torero de classe des figures esthétiquement parfaites, et un "Miura de chez Miura" qui impose une confrontation tendue, des séries hachéess avec des muletazos exposés, il y a de la place pour<br /> un toro à la noblesse piquante qui déplace le curseur sur le partage du risque. Pour un émotion qui n'est pas dépendante de la seule esthétique de la passe templée, ou seulement de l'angoisse de<br /> voir la corne accrocher la fémorale. Je pense qu'il reste encore (pour combien de temps ?) un Garcigrande cornu et encasté qui peut permettre une telle émotion. Il faut chercher dans le bon<br /> cercado...<br /> <br /> <br /> <br />
L
Encore une "distribution" a la Nîmoise. A quand les vrais trophées pour récompenser les toreros de verdad ! au lieu de ça, nous sommes obligés de subir tous ces superlatifs qui aujourd'hui n'ont<br /> plus de sens . "Furtivo" était bien "fait" pour cette faena du "siècle": pas de défaut, des cornes bien "commodes" (on dit plus "afeïtado!) bref, tous les ingrédients pour alimenter encore les<br /> fantasmes d’aficionado qui faute de grives se contentent de (petis) merles !<br /> Adieu sas . Le René d'Ales
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V
<br /> <br /> En réalité, le problème n'est pas spécialement nimois, hélas.<br /> <br /> <br /> <br />