A propos du fracaso de Miura
Je crois que l’impression laissée par les Miura lors de la visite des corrales quelques jours avant la corrida portait en germe le fracaso ganadero de ce lundi de Pentecôte. Le taureau faible, on connaît. On en voit un peu partout. Mais cette fois, c’était plus fort : cette fois, il s’agissait des Miura, il s’agissait d’El Juli, il s’agissait de la première arène française, un jour de belle affluence… Une alchimie excentrique qui a eu raison de la profondeur insondable opposant habituellement les corridas torista et torerista. De même pour l’abîme qui distingue radicalement leurs publics respectifs. Aux cris de remboursez ! remboursez ! les gradins ont fait la jonction de ces publics aux opinions si souvent divisées sur la manière de lire un même spectacle, témoignant d’une émotion et d’une déception largement partagées.
Qui a voulu et choisi un tel lot de Miura ? Pas Manuel Escribano, ni Rafaelillo, évidemment. Voilà sans doute de quoi méditer pour El Juli et ses veedors.
Le problème n'est pas nouveau...
" Rien n’est difficile à achever comme une passion à l’agonie. Voici l’hiver, les giboulées. Il est possible que, mars venu, nous reprenions le chemin des plazas. Je sais d’avance quel piètre bétail nous y attend. Je m’en remets aux pessimisme espagnol : ni piton, ni trapío, ni casta, ni ná ".
Christian Dedet. La fuite en Espagne- 1962
L’agonie de la Fiesta Brava s’est-elle éternisée durant toutes ces années ? Pas toujours. Une prise de conscience des acteurs, aiguillonnés par l’aficion, avait conduit à corriger des pratiques insupportables : dans les années 70/80 les figuras se sont souvent coltiné du vrai toro encasté. Bien moins aujourd’hui…
Je vois dans le fracaso de lundi l'occasion d’une indispensable réflexion sur les conditions de l'excellence souvent revendiquée par l'organisation, plus rarement démontrée. Cela, chaque acteur, dans son rôle, doit pouvoir y contribuer, moyennant quelques convergences à trouver dans l’exercice d’une élémentaire démocratie : règlement, critères, contrôle, éthique et rigueur ne sont pas antinomiques de l’excellence en question.