Toros magnifiques, corridas insipides
A Madrid, une nouvelle déroute torista au goût amer. A Pamplona, des cornes au parfum de scandale envahissent un ruedo qu'on croyait à l'abri de ce genre de dérive. A Céret, un petit cru 2015 qui passe mal. C'est le menu de ce juillet taurin triste et chaud. Le billet d'humeur de Paul Bosc sur l'épisode cérétan reflète cette ambiance plombée d'une planète aficionada, pas satisfaite du tout.
Mais Madrid reste Madrid. Une vendange médiocre ne condamne pas un terroir d'excellence réputé pour ses crus. Et Céret reste l'exemple d'une quête d'authenticité sans concession en matière de toro-toro qui répond depuis bien longtemps aux attentes de l'aficion. Des certitudes non exclusives d'une réflexion sur la perennité des encastes minoritaires, sans faire l'impasse sur le cas Domecq...
Vivement 2016 !
C.C.
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Toros magnifiques, corridas insipides
Par Paul BOSC
Céret. L’arène de référence pour aficionados « toristes ». Dans ce petit coin de Catalogne les toros présentés sont des toros avec des yatagans sur la tête, des muscles, des pattes solides et qui auraient très bien pu sortir des torils d’arènes beaucoup plus importantes. Le nom des ganaderias fait rêver d’avance : Dolores Aguirre (encaste Atanasio Fernandez-Conde de la Corte), Luis Fraile y Martin (Santa Coloma), et Adolfo Martin (Albaserrada). Ici les toreros sont des vaillants, des guerriers, des durs-à-cuire dont les noms ne figurent pas dans le classement des premiers de l’escalafon, spécialisés dans ces combats difficiles parce qu’ils ne trouvent pas d’autres contrats.
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Mais dans la chaleur du Valespir, le bilan n’est guère glorieux. Une seule oreille pour Fernando Robleño, le chouchou des Cérétans, à la dernière minute de la dernière course. Un cadeau !
Alors que se passe-t-il sur ce monde en voie de disparition, submergé par l’encaste Domecq, où, jusqu’à présent, l’aficionado trouvait encore un parfum de vérité taurine, de la sauvagerie originelle, des tiercos de piques uniques et des combats comme on n’en voit nullement ailleurs.
Pour cette cuvée 2015, si les toros étaient d’une présentation irréprochable, personne n’a reconnu les Dolorès Aguirre vus à Saint-Martin de Crau. Seul, Alberto Lamelas a été remarqué dans ce désert de languitude de toros décastés.
Le lendemain, même si Sanchez Vara a tenté d’animer la course, comme Pérez Mota et le bien vert César Valencia, Les Fraile n’ont pas, non plus, offert beaucoup d’émotions. Si l’on excepte la prestation de Gabin, qui a d’ailleurs remporté les prix mis en jeu par les clubs taurins ou la banderole déployée pour que revienne en piste la tauromachie en Catalogne espagnole et que deux des toreros sont venus « brinder ». Sinon rien n’a ému les gradins qui ont continué à cuire sous la canicule.
En fin d’après-midi, même scénario. On s’ennuie. Tout est « soso », toros et toreros. Diego Urdiales n’est pas là. Il trouvera le sourire pour recevoir le prix Claude Popelin pour sa temporada 2014 ; Encabo veut montrer qu’il est encore le torero que l’on a connu, efficace même avec les banderilles, et Robleño remplit honnêtement son deuxième contrat.
Mais le plus grave dans tout cela, ce n’est pas le comportement des toros, cela arrive, l’élevage n’est pas une science exacte. C’est que depuis le début de la saison ces corridas de respect sont le plus souvent insipides. Tout commence à Saint-Martin de Crau et le Conde de la Maza aux cornes ultra-fragiles (sic) ! Continue à Nîmes et à Istres avec des Victorino Martin qui portent le nom de l’élevage le plus connu d’Espagne, mais qui ne ressemblent pas à des Victorino tant au moral qu’au comportement. Hier Vic-Fezensac avec une féria décevante relevée uniquement par la course de la jeune ganaderia Valdellan. Aujourd’hui Céret. Cela fait beaucoup.
Que restera-t-il demain de ces ganaderias si redoutées? Surtout dans un monde en crise où il n’est pas facile de négocier, surtout quand les résultats ne sont pas aux rendez-vous.
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, peut-être que les organisateurs se souviendront des Valverde d’Alès, des toros français de Blohorn, Gallon, Tardieu, François André et Jean-Luc Couturier (Concha y Sierra et Valverde) de Saint-Martin de Crau ,ou les Laget (Luc et Marc Jalabert) de Mauguio pour parvenir à assouvir notre passion.
Quant à ces grands éleveurs ibériques, nous ne saurions que conseiller de ne pas tarder à redresser la barre, le bois se mouille…
Paul BOSC