Pour la première fois, je n’ai pas mis les pieds aux arènes de Nîmes
Disons que ma vie tauromachique a débuté à la fin des années 50. Et que depuis cette date, je n’avais jamais manqué une feria de la Pentecôte à Nîmes. Certes, pas à toutes les corridas, certes pas matins et soirs, mais avec régularité. Aux amphithéâtres quand j’avais 15, 16, 17 ans, en essayant de resquiller, en sautant les grilles, en me faisant courser par les policiers, comme me le rappelait un aficionado de mon âge qui a lu mon précédent article sur les ferias de notre jeunesse.
Et j’ai vu Antonio Ordoñez, triomphant mais aussi détestable quand il avait recours à ses estocades dans le « coin », c’est-à-dire de côté et qui provoquaient des hémorragies. Et j’ai vu Lui Miguel Dominguin mais aussi Paco Camino qui ne toréait pas que des Domecq et se frottait souvent aux Miura. J’ai vu Diego Puerta, Jaime Ostos, puis « El Cordobes » en 1964 lors de l’historique corrida où il reçut les 2 oreilles, la queue et la patte du sobrero de Juan Pedro Domecq. J’ai vu l’alternative de Simon Casas, Angel Teruel, Limeño, puis l’alternative de Curro Caro, Antoñete, Curro Romero lors d’une matinale de rêve avec le fils d’un autre torero qui faisait les beaux jours des arènes de Nîmes : Julio Aparicio. J’ai vu Conchita Cintron et Marie Sara, Luc Jalabert, Jacques Bonnier, Gérald Pellen puis sa fille Patricia, les frères Domecq, Peralta, Lupi, Cartagena oncle et neveu, Mendoza…
Et puis j’ai vu Paco Ojeda dans deux tardes immenses mais aussi Chamaco et les débuts du très jeune El Juli. Et Les fils Litri et Camino qui reçurent l’alternative de leurs pères. Je ne peux pas oublier Nimeño II, Victor Mendes et les toros de Guardiola et même l’indulto d’un novillo de cette prestigieuse ganaderia. « Peleon » s’appelait-il, mais c’était un coup médiatique organisé par Simon Casas et Afonso Guardiola. J’ai vu José Tomas. Pas le jour de son solo de la feria des Vendanges, mais quand il a gagné la Cape d’Or de la peña Antonio Ordoñez laissant sur place Antoni Losada qui avait pourtant coupé 2 oreilles.
Côté toro, il y eut des Veragua, des Pablo Romero, des Murube, « Trompetillo » de Maria Luisa Perez de Vargas, des Miura jusqu’à ce que l’on les programme avec El Juli et que finalement, il n’en sorte qu’un seul du toril, le retour des toros de Palha, 70 ans après leur dernière apparition à Nîmes et qui allait devenir une corrida inoubliable avec « Chamaco » Denis Loré et Antonio Ferrera, des Victorino Martin dont un qui dépassait les 700 kg et qui faisait la publicité pour cette Feria qui, je crois, couvrait une semaine entière de courses. J’ai vu dans les arènes de Nîmes de grandes vedettes toréer des novillos quand les toros ne portaient pas leur année de naissance sur la patte. J’ai vu de toreros de tout style et de toutes techniques et même des toreros éxotiques comme le Portugais Chibanga. J’ai vu toréer le fils Victorino Martin et le cousin de Paco Camino. J’ai cru en certains toreros que j’ai retrouvés quelques années plus tard dans les rangs de banderilleros. J’ai vu Manzanares, père et fils. Mes yeux se sont mouillés de larmes pour ces deux toreros. J’ai eu des frissons avec Paquirri, « El Viti », César Rincon, Enrique Ponce et les toros de Samuel Flores. J’ai tout vu. Ou presque.
Et puis, cette année, j’ai renoncé à aller voir uniquement des Domecq qui, à lire les résultats des courses se sont comportés comme des Domecq, n’apportant aucune émotion. La coupe est pleine.