LES GRANDS TRIOMPHES NÎMOIS (1ère partie)
Depuis 60 ans que la feria existe, bien sûr que le vieil amphithéâtre nîmois a maintes fois vibré par les « olés » d’une foule enthousiaste aux exploits de toreros exceptionnels. Et l’absolu triomphe de José Tomas, face à six toros de différentes ganaderias n’est que le dernier d’une longue et belle liste.
Bien sûr, il ne sera pas possible de tout énumérer, de tout se souvenir ; la mémoire joue parfois des tours et déforme les images au fil des années. Les premières qui reviennent à la mémoire en évoquant les premières ferias de la Pentecôte sont celles d’une arène pleine jusqu’au dernier rang de pierres, les spectateurs debout, parfois sur plusieurs rangs sur ce dangereux refuge ; des grappes humaines étaient suspendues aux dessus du linteau des arches et paradoxalement, en regardant la photographie de Lucien Clergue qui illustre la couverture de « Ombres et soleil sur l’arène » de Jean Perrin et Pierre Dupuy , quasiment personne dans le calejon. C’était au début des années soixante, celles de Paco Camion, d’Antonio Ordoñez, de Diego Puerta, de Jaime Ostos, de Julio Aparicio et de Chicuelo II…
Grappes humaines suspendues - par Lucien Clergue
En ville et sur les gradins s’installaient les penas venues de Logroño pour animer la ville. Il suffisait qu’elles entonnent trois notes de musique pour qu’un peuple réjoui et heureux réponde : « Chicuelo, Chicuelo » en séparant les syllabes. La jeunesse de l’époque qui découvrait tout juste le rock et Johnny Hallyday dansait la farandole en espadrilles bleu-turquoise et se coiffait d’un petit chapeau de paille, hérité, sans doute, de celui que portait l’acteur américain Eddy Constantine dans ses rôles de Lemmy Caution.
Quelques années auparavant, en 1954, pour la feria des vendanges, l’idole des Nîmois, Manuel Jimenez qui portait l’apodo de « Chicuelo II » faisait sa présentation avec Pedres et Antonio Bienvenida face à des toros d’Urquijo. Ce petit homme n’avait pas particulièrement de classe mais il possédait un courage hors du commun qui portait sur le public. Il coupa les deux premières oreilles de sa courte carrière puisqu’il disparut dans un accident d’avion en janvier 1960 mais son nom est aujourd’hui encore connu peut-être grâce à l’orchestre des arènes.
Le premier grand triomphe dont les aficionados se souviennent encore est celui d’Antonio Ordoñez, le 26 mai 1958. En ce lundi de la Pentecôte, les deux beaux-frères s’affrontaient face à des Carlos Núñez. Le Rondeño affirma sa supériorité et Luis Miguel Dominguin, pourtant excellent la veille, perdit son titre autoproclamé de « numero uno ».
Pierre Dupuy dans son ouvrage « toros à Nîmes » relate cette course, elle aussi historique et rapporte la reseña de Paquito : « Il faut avoir vu ces véroniques interminables et ondulées, vagues sur la grève quelque part entre Torremolinos et Algeciras, ces demies plantées comme tour de guet, ces naturelles et ces redondos, ces statuaires méprisantes mais enluminées (…) Antonio aujourd’hui c’était tout Ronda, sa colline, sa plaine et le cirque de sa sierra… » . Ceux qui ont assisté à cette corrida conviendront qu’elle restera comme l’un de leurs plus grands souvenirs d’aficionados commente l’ex-directeur de la revue « Toros » en mentionnant l’exploit de Guillermo Carvajal, torero mexicain qui, ce jour-là, s’est surpassé : « Citant avec un mouchoir pour estoquer… Le Núñez s’appuyait à la barrière ; le mexicain retira l’épée, suivit la ligne centrale du morillo et descabella. »
A suivre...