"Questions pour un champion"
Non vous ne rêvez pas, Julien Lepers vient d’enregistrer une séquence de son célèbre jeu sur le thème désormais fréquentable de la corrida, activité d’autant plus légale depuis la décision du Conseil Constitutionnel en ce 21 septembre. En voilà un extrait tiré d’une fiche consultée sur Facebook le jour du bug informatique :
« Je suis né le 28 février 1980 à Cistierna, province de Leon ; fils de bonne famille je me suis orienté très tôt vers un métier dangereux et aléatoire où priment courage et abnégation sans nier la part d’élégance qui en est aussi le signe. J’ai débuté le 8 mai 1999 à San Miguel de Valero devant des Cruz Madruga d’origine Montalvo donc Domecq y Diez. C’est à San Sebastian en 2001, un 1er avril, que j’obtins la reconnaissance suprême des mains d’Enrique Ponce, mon parrain, en présence d’El Juli devant Entrador un Santiago Domecq de 562 kilos; cette reconnaissance se concluait par un salut au tiers avant que je ne sois blessé par mon second adversaire. Un mois et demi plus tard, le 17 mai, j’étais confirmé à Madrid par Ortega Cano et Finito de Cordoba devant Turronero le pupille de Doña Maria del Carmen Camacho, de sang Carlos Nuñez. Je ferai ma présentation en France à Eauze la même année en compagnie de Victor Puerto et de Juan Bautista. Après une période difficile, quelques courses chargées d’émotions ont changé le cours de mon histoire : sûr de ma technique et de moi-même j’use désormais de mon dominio pour contraindre au mieux les Miura, Palha et autres Escolar ralliant à moi les aficionados les plus exigeants. Partisan de la corrida authentique je m’astreins à valoriser tous les membres de ma cuadrilla ; après Tito Sandoval en 2011 c’est au tour de David Adalid Sanchez de connaitre aujourd’hui et régulièrement les honneurs de saluts et de prix. Ma saison 2012 sera marquée de nombreuses cogidas, preuves s’il en est de mon engagement sincère, et surtout par mon succès printanier à Nîmes seul contre six Miura. Mes initiales sont J.C….
Je suis, je suis, je suis….? »
Comment exister en tauromachie quand on a dix ans d’alternative et une reconnaissance du mundillo toute relative? Comment se relancer lorsque la foi et l’envie sont toujours là mais que nombre d’illusions sont perdues?
J.C, les initiales sont déjà prises et difficiles à porter… sauf par certains tel Javier Condé le torero qui, parfois, semble marcher sur l’eau, peut être très rarement mais alors il faut en être! La sélection est impitoyable et il a réagi après avoir pris conscience avec lucidité des limites qui s’imposaient à lui ; il a su prendre le virage des élevages exigeants en marquant son territoire. Pour cela il a rompu avec une certaine routine et cherché à surprendre en créant autour de lui une ambiance qui pour l’instant lui est propre ; mais jusqu’où ira-t-il?
L’engagement et le courage sont ses marques de fabrique indispensables pour affronter les taureaux dits de respect mais ce sont les fondamentaux de tous les oubliés du torerisme ; elles ne suffisent pas à compenser les faiblesses qui sont les siennes: un répertoire restreint, la « planta torera » plus dans la tête que dans l’expression corporelle, un peu froid le navarrais, ne permettent pas de faire la différence avec les autres belluaires de la classe. Il a pour lui son sérieux, l’avantage de la régularité dans son office et une autorité indéniable sur son équipe. L’opportunité que lui offre le retrait dans son créneau de compañeros plus anciens Victor Mendès, Richard Milian, Ruiz Miguel avant-hier, Stéphane Fernandez Meca et Luis Francisco Espla hier, El Fundi aujourd’hui mais aussi l’effacement d’un Rafaelillo et les espoirs déçus de tant d’autres lui permet de rebondir.
Désormais mature et peu susceptible d’évoluer, ses aptitudes physiques et ses qualités de torero le situent sur le plan technique dans la moyenne des actuaires condamnés aux corridas dures ; à lui de compléter un registre confiné aux gestes basiques traditionnels, ce qui ne suffit plus de nos jours, et à une irrégularité épée en main masquée en piste par son engagement à la mort, sans que l’on puisse mettre en doute sa sincérité devant les cornes. Cet autre chose qui fait la différence et crée l’écart avec les autres c’est l’attention qu’il porte à mettre en scène ses combats.
Cette référence empruntée au monde du théâtre n’est pas un contresens encore moins une incise teintée d’ironie ; dans son cas elle est à interpréter de manière positive puisqu’il attend de ses initiatives des effets à son avantage dans deux directions : susciter l’envie des organisateurs de spectacles taurins en mal d’attractivité pour ce type de corridas et intéresser un public parfois rebuté par la dureté des faenas, l’un n’allant pas sans l’autre.
A ce propos la saison 2012 illustre bien toute l’intelligence qu’il a déployée sur deux années pour attirer l’attention sur lui avec un résultat probant : au final il a été très présent dans les arènes des deux continents. Le point d’orgue aura été son solo pour la feria de Pentecôte à Nîmes. Je n’y étais pas pour cause d’addiction vicoise mais, communication « casas-sienne » aidant, c’est comme si j’avais assisté à l’évènement ; de plus selon une maxime attribuée à Zocato « on ne parle que mieux de ce que l’on n’a pas vu » alors je prends acte de ce qui a été largement confirmé par la critique taurine, à savoir, que la diversité du jeu servi à chacun de ses adversaires a marqué les esprits.
La mise en scène des faenas passe par la valorisation de la cuadrilla lors des deux premiers tiers ; ce travail est unanimement salué. Pour les piques elle intervient opportunément au moment où se développe un mouvement en faveur de cette suerte encouragé par l’émergence d’une jeune génération de picadors et la multiplication des prix. Pour les banderilles, tercio malheureusement de plus en plus négligé même en novillada, il est à espérer que l’initiative se développe dans un esprit salutaire de competencia.
Tout ceci se fait au travers d’actes individuels distingués qui s’inscrivent dans la pratique d’une équipe très soudée autour d’un chef toujours présent sur le sable ; il est là prêt à mettre le taureau en suerte ou faire le quite lorsque cela s’avère nécessaire. Il n’est jamais dans le callejon : il ne veille pas, il observe et dirige, même lors des banderilles et n’hésite pas à sortir le taureau du cheval sans que cela n’occulte la place occupée par sa cuadrilla.
Qui peut critiquer un Placido Sandoval, dit « Tito », un vrai cavalier qui sait toréer? Même si parfois il abuse de ses facilités à cheval il demeure un piquero de verdad faisant honneur au fil d’or de son costume hérité de la corrida équestre originelle. Mais il n’est pas seul son maestro ayant su s’entourer d’autres picadors talentueux, tel Paco Maria ou en devenir tel Alberto Sandoval, le neveu de son oncle….
Qui peut critiquer un David Adalid Sanchez, difficile à prendre en défaut aux banderilles? Sa frêle silhouette toute « picassienne » ne laisse pas indifférent tout comme son aisance « palos » en main et son taux de réussite frôlant les cent pour cent. Et ses compagnons ne sont pas des manchots non plus, c’est dire.
La mise en scène produit réellement ses effets puisque les spectateurs subjugués en redemandent et vont jusqu’à applaudir le picador, parfois à tout rompre, comme quoi la vigilance d’un public éduqué est bénéfique. Toutefois abondance de bien pouvant nuire il n’est pas inutile de relever ce qui peut faire l’objet d’observations sans apparaître comme le « pisse-vinaigre ou le criticaïre » de service. C’est la musique intervenant prématurément et a priori avant même que le picador, spécialiste des cites à distance et des levades, ou le banderillero, adepte du quiebro, aient engagé leur geste ; il y a là préméditation d’une décision qui ne peut être fondée que sur la réputation. C’est que David Adalid pose deux fois deux paires de bâtons prenant le pas sur les autres peons; c’est que ces acteurs bénéficient d’un avantage lors de l’attribution des prix, alors qu’ils peuvent ne pas être les meilleurs comme à la dernière feria du riz. C’est la suerte de la chaise à la pose des banderilles, à Nîmes bien sûr….Tout ceci avec pour partie la complicité des organisateurs et l’indulgence des présidences.
Attention à l’excès de spectacle !
Les intentions du maestro (souvent fidèle à son costume blanc et or ; doit-on voir là un signe de renaissance? alors que je crois savoir que son habit d’alternative était blanc et argent), certainement aussi de son impresario, sont louables en tant qu’elles participent réellement à la revalorisation des tiers de piques et de banderilles, encore faut il qu’elles ne soient pas pour masquer les quelques insuffisances du chef qui demeure le « liliador »!
Saluons aussi la manière qu’il a de nous surprendre comme il l’a fait dernièrement à Bayonne en effectuant le travail de muleta et l’estocade à l’ancienne montera sur la tête. Tout est dans l’équilibre des choses et les nuances; encore une raison d’aller dans les arènes pour voir s’il saura raison garder en 2013.
« Je suis, je suis… je suis Javier CASTAÑO PEREZ, matador de toros…….