VIVA PADILLA !
Photo Vingtpasses
Par paul Bosc
Juan José Padilla qui se fait appeler le Cyclone de Jerez est revenu dans les arènes après six mois d’enfer.
Le 7 octobre dernier à Saragosse, un toro lui a planté sa corne dans l’oreille et lui a pratiquement arraché la joue et l’œil gauche. Six mois à souffrir, à subir maintes opérations chirurgicales, à tenter de récupérer la vue et l’audition, à se faire triturer le visage afin d’effacer ce rictus qui lui déforme la face. Six mois à entretenir un moral d’enfer pour revenir toréer. La Presse espagnole le qualifie de héros après sa réapparition dans les si jolies arènes de Olivenza, en Extramadure, à la frontière du Portugal là où le 2 mars 1997, Antonio Ferrrera, le Zébulon de la tauromachie recevait l’alternative de Enrique Ponce et Pedrito de Portugal avec des toros de Victorino Martin. Antonio Ferrera était sorti par la grande porte comme Padilla dimanche dernier.
Le Héros portait un costume vert, couleur de l’espérance, orné de feuilles de laurier et en voyant la vidéo de cette journée, il ne fait pas de doute que les aficionados ont eu beaucoup d’émotion pour cet homme qui n’a jamais renoncé. Certes les Nuñez del Cuvillo ne ressemblaient en rien aux centaines et centaines de toros que Juan José a croisé dans sa carrière et encore moins à celui qui a failli l’égorger à Pampelune en allant l’attendre à porta gayola, voici quelques années. Il n’avait pas souvent, non plus, été compagnon de cartel de Manzanares II et Morante de la Puebla qui ont d’ailleurs banderillé avec lui.
Emotion encore quand il a brindé son premier toro aux chirurgiens Valcarreres et Garcia Perla qui lui ont sauvé la vie. Emotion encore avec le brindis à son père au quatrième, émotion toujours quand des cantaors flamencos ont accompagné sa faena de coplas et quelle ovation pour sa sortie a hombros scandée par ces mots magiques « torero, torero ».
Car ces hommes ne sont pas tout à fait comme les autres humains. De toute l’histoire de la tauromachie, le torero portait un signe invisible, mystérieux même, qui faisait dire : « c’est un torero ». Un picador arlésien, Momo Moralès aimait à raconter que Joselito, son idole, était reconnaissable partout dans le monde par son allure, par sa manière de marcher, de parler, de s’habiller, de se coiffer. « C’est un torero », point final, tout était dit. Juan José Padilla, avec ses rouflaquettes d’une autre époque, avec parfois ses costumes excentriques, ses allures de mauvais garçon, n’a pourtant jamais eu la démarche féline de Luis Miguel Dominguin, ni la beauté d’Angel Teruel, celui qui a donné l’alternative à notre Simon international, ni même au séduisant Paquirri. Et même s’il fait tomber en pâmoison les dames, il ne pourra jamais se comparer à Espartaco ou Rivera Ordoñez. Ce qui le caractérisait le plus se trouve dans la témérité, l’audace, la vaillance, une sorte de chevalier sans peur.
Il sera présent pour la feria d’Arles où il a laissé un souvenir aficionado impérissable en 1999 face à des toros de Pablo Romero et sous un orage terrible. Certainement qu’il sera aussi à Nîmes et dans toutes les arènes importantes cette saison, avec sa gueule cassée, avec son bandeau noir sur l’œil, une image terrible qui effraie et qui rappelle d’autres tragédies. Celle vécue par l’écrivain Georges Bataille qui a assisté à la mort de Manuel Granero dont le coup de corne avait traversé l’orbite et fait exploser le crane, et qui devait s’inspirer de ce drame pour son « histoire de l’œil ». Moins tragique, Frascuelo, le rival de Lagartijo avait également été blessé d’un coup de corne dans l’œil droit mais il est mort de pneumonie à l’âge de 55 ans. Plus récemment, Lucio Sandin, grand espoir de l’Ecole taurine de Madrid avec Yiyo, mort, lui, d’un coup de corne dans le cœur, qui avait été énucléé par un novillo à Séville, blessure qui lui a fait renoncer à sa carrière.
Aujourd’hui Juan José Padilla, le Cyclone de Jerez, mérite le plus grand respect, le respect à un héros de notre temps, le respect d’un homme, d’un torero.