La corrida est morte, vive la corrida !
Par Paul BOSC
Si on écoute le maire, son conseil municipal, le président de la Région, le président du conseil général, le directeur des arènes, les députés, les conseillers, les éleveurs de taureaux, les professionnels de la profession, la presse, les radios et les télés et encore quelques notabilités nîmoises, ils vous diront tous que le Feria du soixantenaire a été un succès. Cela s’appelle un parler « politiquement correct ».
Certes, le solo de Javier Castaño face à six Miura est la corrida qui relève le niveau. Mais là, personne n’osait parier un kopeck avant la course.
Mais le reste ? Victorino Martin : pas de moteur et 0 oreille. Torrehandilla : pas de moteur et une petite oreille. Bilans : 2 h 30 d’ennui et zéros pointés sur ces deux courses. 0 + 0, la tête à Toto, comme dirait l’animateur Nagui à la tv.
On continue. Les Zalduedo : oreillette contestée à David Mora et encore ennuyeuse. Fuente Ymbro : merci Juan Bautista sinon encore 0. Juan Pedro Domecq : du mou encore dans la gâchette même si le directeur a tout de même appuyé dessus, mais quatre oreilles pour finir la feria en beauté. Corrida de Garcigrande : El Juli et Sébastien Castella savent y faire. Porte des Consuls pour le Biterrois. Pareil pour la corrida de Nino de la Capea, porte des Consuls pour Juan Bautista. Par contre tour de piste posthume à un novillo de Virgen Maria pour la traditionnelle novillada de la Cape d’or et triomphe de Juan Leal.
Ces bilans peu flatteurs au point de vue ganaderos portent les stigmates d’un spectacle en perdition où le principal acteur, le toro n’a plus de force, n’a plus de pattes, n’a plus de caste, n’a plus de cornes et ne sert plus qu’à mettre en valeur des toreros aux gestes mécaniques, toujours les mêmes qui font des faenas stéréotypées ennuyeuses à mourir.
Javier Castaño, ouvrier précautionneux, oublié des grands circuits, délaissé des grandes maisons, a ouvert sans doute une nouvelle ère à la corrida en mettant en place tous les acteurs de la tauromachie : picadors et banderilleros à leur véritable place. Pour que chacun fasse le travail qui lui est demandé, dans les règles de l’art. Lui reste le chef, le commandeur, le manager dirait-on aujourd’hui, mais les autres ne sont pas des « techniciens de surface ». C’est sans doute cela la révolution qu’il a emmenée dans ce pari mais qui finalement est la base même du boulot. Chacun à son poste en donnant le meilleur de lui-même. Un travail d’équipe en quelque sorte.
Maintenant il ne sort pas tous les jours des Miura comme ceux de cette course, avec beaucoup de noblesse, ce qui jusqu’à présent n’était pas le style de la maison mais l’on sait que depuis longtemps Antonio Miura cherche à « adoucir » les Gallardo et Cabrera de Zahariche. Datilero en septembre dernier a été l’exemple à suivre. Cela fait du bien de voir l’horizon s’éclaircir, après un long tunnel.
La corrida est morte… Vive la corrida !